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Au-delà de l’oubli : s’unir face à l’Alzheimer

Photo Alain Bérubé (courtoisie SAL)

Un simple geste, chargé de sens.

Au-delà de l’oubli : s’unir face à l’Alzheimer

Publié le 04/07/2025

Lors du 7e colloque régional 2025 de la Société Alzheimer Laurentides, le 14 juin dernier, les témoignages se sont multipliés, mettant en lumière une réalité encore trop souvent tue : celle des familles qui, unies, traversent l’épreuve de la maladie d’Alzheimer. Une épreuve douloureuse, certes, mais qui révèle parfois une solidarité insoupçonnée.

Une maladie sournoise

Les premiers signes de l’Alzheimer sont souvent discrets : un oubli passager, une confusion, une fatigue inhabituelle. Près de 40 % des personnes de plus de 65 ans vivent des pertes de mémoire liées au vieillissement naturel — appelées troubles de la mémoire liés à l’âge (TMLA). Mais lorsque la mémoire s’effrite au point de compromettre l’autonomie, d’autres soupçons émergent.

« Je pensais que c’était une dépression, ou un choc post-traumatique après le cancer de mon frère », raconte l’acteur Éric Bruneau, présent à l’événement avec sa mère, Madeleine Ste-Marie, atteinte de la maladie depuis près de huit ans, et le conjoint de celle-ci, Jean-Guy Léonard. « Il y avait cette idée qu’on n’allait pas tout de suite vers l’Alzheimer. »

Bien qu’elle représente de 60 à 80 % des cas de troubles neurocognitifs, la maladie d’Alzheimer demeure difficile à diagnostiquer. Et lorsqu’il tombe, le diagnostic bouleverse les repères. Des gestes auparavant anodins — oublier un nom, perdre ses mots, répéter une question — prennent alors un tout autre sens.

Dans ce moment de bascule, le regard des autres devient crucial. « Ce n’est pas une maladie honteuse. Il faut mettre les gens en confiance… Tu ne seras pas seul », insiste M. Léonard.

Photo Alain Bérubé (courtoisie SAL)
Nathalie Patrice et Catherine Vaudry, de la Société Alzheimer Laurentides accompagne Éric Bruneau, sa mère Madeleine Ste-Marie et son beau-père Jean-Guy Léonard, venus livrer un témoignage touchant sur leur parcours familial avec la maladie.

Devenir aidant, sans préparation

L’histoire de Marie est de celles qui marquent profondément. C’est en 2012 que les premiers signes sont apparus : fatigue inhabituelle, troubles de l’humeur, gestes confus. Puis, en 2018, le diagnostic est tombé : Alzheimer.

Aujourd’hui décédée, Marie a laissé derrière elle une famille unie, marquée par l’amour, la résilience… et un profond respect pour le chemin parcouru. Lors de l’assemblée de la SAL, son conjoint Daniel Delorme, accompagné de leurs deux enfants, Jessica et Frédérique, ont livré un témoignage vibrant en son honneur.

« Le jour où on a reçu le diagnostic, nous avons tous choisi de tracer une ligne… et de ne plus se pencher sur les querelles du passé », affirme Jessica. Ce choix, profondément humain, a soudé la famille autour de Marie. Chaque geste du quotidien est devenu un acte de tendresse, chaque visite, un moment de présence réelle.

Photo Jade Lesieur
Entourant le portrait de Marie Delorme : son conjoint Daniel, ses enfants Jessica et Frédérique, accompagné de sa conjointe et de leur fils, aux côtés de Nathalie Patrice, directrice adjointe, et de Catherine Vaudry, directrice générale de la Société Alzheimer Laurentides et organisatrice de l’événement.

Mais derrière cette solidarité, il y a aussi eu l’épuisement.
« Pendant dix ans […] cette bataille-là, je l’ai tenue tout seul… mais j’avais de vrais soldats avec moi », confie M. Delorme.

Devenir proche aidant, c’est voir son quotidien bouleversé, vivre au rythme de la maladie, jongler avec les rendez-vous et les émotions.

Dans les moments de doute et de fatigue extrême, les questions surgissent. Pourquoi ? Contre quoi je me bats ? Et c’est dans ces moments-là que le soutien devient essentiel — qu’il vienne de la famille, des amis ou d’un organisme.

Cette famille a choisi de s’accrocher à ces instants de lumières. « La première chose qu’elle voyait quand l’ascenseur s’ouvrait, elle me regardait avec un petit sourire », confie Jessica, ému par ce souvenir.

Le rôle vital des organismes

Dans ce parcours, les organismes communautaires jouent un rôle essentiel. La Société Alzheimer Laurentides (SAL) accompagne les personnes touchées par la maladie, leurs familles et leurs proches aidants à chaque étape. Information, groupes de soutien, centre d’activités l’Oasis, formations : l’organisme agit sur plusieurs fronts.

« Je suis ici pour ma mère, mais aussi pour contribuer à faire la lumière auprès de la communauté sur cette réalité », affirme Éric Bruneau.

Photo Alain Bérubé (courtoisie SAL)
7e Colloque régional de la Société Alzheimer Laurentides, tenu le 14 juin dernier. Organisé avec cœur par Catherine Vaudry et Nathalie Patrice, l’événement visait à mieux faire connaître la maladie et à sensibiliser la population.

Le message est clair : face à Alzheimer, personne ne devrait être seul.

Aimer, jusqu’au bout

Pour les proches aidants, c’est un deuil lent, invisible. Ce deuil blanc commence bien avant la mort, mais il ne signifie pas l’abandon. Il témoigne au contraire de la profondeur du lien, de cette présence fidèle et constante malgré l’absence grandissante.

Lors de l’assemblée, un poème a été partagé par M. Delorme, qui a guidé son parcours. Quelques vers simples, mais puissants, qui traduisent mieux que tout l’essence de ce lien indéfectible :

« Ne me demande pas de me rappeler
N’essaie pas de me faire comprendre.
Fais-moi savoir que tu es avec moi.
Embrasse mon cou et tiens-moi la main.
Je suis triste, malade et perdu,
Tout ce que je sais c’est que j’ai besoin de toi.
Ne perds pas patience avec moi

Ne sacre pas, ne crie pas, ne pleure pas.
Rappelle-toi que j’ai besoin de toi
Que le meilleur de moi est parti
N’abandonne pas, reste à mes côtés

Aime-moi jusqu’à la fin. »

Car même lorsque tout s’efface, l’amour, lui, demeure.