L’entreprise pharmaceutique de Blainville diversifie si bien son marché d’exportation depuis quelques années que ses produits se retrouveront d’ici 2028 dans une soixantaine de pays, soit sur tous les continents.
Ne manque que l’expansion en Afrique. Déjà, le Groupe Duchesnay s’active à développer son marché au Maroc. Mais c’est toute l’Afrique qu’on envisage de fournir en médicaments et traitements pour femmes. Le Brésil est aussi dans la ligne de mire de l’entreprise pharmaceutique internationale, dont le siège social est installé dans le parc industriel de Blainville. Or, ce pays où l’on s’exprime en portugais compte plus de 212 millions d’habitants (en 2024), ce qui représente un gigantesque marché pour la multinationale.
Un pas de géant pour l’entreprise GPD qui distribuait encore en 2024 dans 40 pays, principalement en Europe, un peu en Asie et au Mexique. Depuis, le Salvador et la Colombie figurent sur la liste des pays importateurs, dont le marketing et la mise en marché s’effectuent, comme ailleurs à l’étranger, avec la collaboration de partenaires sur place.
Ce déploiement international est une véritable volte-face face à la gouvernance imprévisible de Donald Trump, dont on a craint l’application de mesures frontalières tarifées. Pour le moment, aucune taxe n’a encore été imposée, mais cela ne saurait tarder, croit Éric Gervais, le président du Groupe pharmaceutique Duchesnay. « L’industrie pharmaceutique n’est pas encore touchée par les tarifs, mais on sait que ça s’en vient. Et il faut s’attendre à tout », soutient-il.
Anticipation active
Dans la communauté scientifique, Éric Gervais est un homme respecté. Il a été lauréat en 2025 du Prix Bernard-Landry, décerné par l’Association pour le développement de la recherche et de l’innovation du Québec (ADRIQ) pour avoir « contribué directement au développement, à la croissance, aux réalisations et à la performance d’une entreprise ou d’une institution québécoise, qu’elle soit privée ou publique ». Un prix qui soulignait également son apport au secteur pharmaceutique, aux retombées dans la région des Laurentides et plus largement, à l’écosystème québécois de la recherche et de l’innovation sur une longue période.
Le président de GPD se prépare donc à l’arrivée de tarifs. Discrètement, mais activement. Pour l’année 2025, la multinationale s’était montrée judicieuse en approvisionnant sa filiale Medunick située dans le New Jersey, pour une année complète. Encore sans menaces imminentes de taxes frontalières, l’entreprise a tout de même gonflé ses réserves, que l’on prévoit suffisantes jusqu’en septembre 2026 et qui permettra une certaine prévisibilité.
Jusqu’à tout récemment, le territoire américain représentait autour de 45 % des parts de marché de Duchesnay. Aujourd’hui, leur marché se répartit ainsi : un tiers américain, un tiers canadien et un autre tiers ailleurs dans le monde.

Diversité et partenariats
Le Groupe, qui se déploie en six sociétés pharmaceutiques, a également diversifié ses produits, ses spécialisations et ses partenariats. En plus de centrer ses efforts sur la mise au point de médications spécifiques pour femmes, le Groupe Duchesnay travaille en partenariat pour la recherche de nouveaux traitements avec des établissements universitaires comme University Rockfeller de New York.
Ses filiales Medunick, installées au Canada et aux États-Unis, offrent des options thérapeutiques pour maladies rares et invalidantes et sa filiale Medunick canadienne conjointement avec la société new yorkaise Population Council, investit depuis 2024 ses efforts dans la recherche d’un traitement potentiel pour la sclérose en plaques — dont le début des études cliniques sur l’humain est prévu pour 2026. Sans parler des médicaments génériques commercialisés pour les maladies orphelines par ses filiales Analog Pharma Canada et Analog Pharma.
Depuis 2022, l’entreprise pharmaceutique de Blainville a lancé cinq médicaments au Canada. Un exploit dans le milieu médical, selon M. Gervais. Avant cela, c’est le Bunjesta, une version améliorée du Diclectin, son médicament vedette, qui a été approuvé et est depuis disponible dans plusieurs pays.
Ajout d’un quart de travail
Évidemment, pour parvenir à combler tout le marché international, le Groupe pharmaceutique Duchesnay doit établir des ententes de distributions dans chacun des pays listés. Il doit également s’assurer de sa capacité à livrer les produits.
C’est ainsi qu’un nouveau quart de travail vient d’être ajouté à l’horaire à l’usine de Blainville. La directrice exécutive de production, Isabelle Pilon, est convaincue de la nécessité d’anticiper une surcharge dans les carnets de commandes.
« En fait, c’est vraiment d’augmenter la capacité de production avec la croissance sur le marché. Et ça nous permet aussi d’avoir une flexibilité pour aller chercher les nouveaux médicaments avec un deuxième quart de travail qui va être fonctionnel. Si on double notre capacité, on va pouvoir aller chercher de nouveaux produits, en plus de nouveaux marchés », explique Mme Pilon.
Même sans l’imposition de tarifs, l’inquiétude n’est jamais très loin dans le milieu pharmaceutique où les médicaments et traitements novateurs dépendent fortement de la recherche. « En ce moment, je parle avec des collègues qui me disent qu’ils n’arrivent pas à évaluer à quel point il y avait moins de recherches qui se font aux États-Unis. Personne ne sait ce qui va arriver. Pourrais-je vendre ou pas le médicament ? On n’en a aucune idée. Le président Trump met tellement un doute sur tout que la plupart des compagnies disent : “On n’investit plus. On va attendre de voir ce qui va arriver”. Même sans tarifs, il y a un impact. Et ce sont les patients qui paient toujours à la fin. »
Seules gagnantes : les études cliniques en sol canadien. L’annulation des études préalablement prévues aux États-Unis profite au Canada, perçu comme un pays beaucoup plus stable, conclut Éric Gervais.
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