En fait, c’est sur fond de malaise et d’inconfort que s’annonçait Tranche-Cul, pièce de l’auteur québécois Jean-Philippe Baril Guérard, présentée la semaine dernière par les finissants de l’École de théâtre professionnelle (ETP) du Collège Lionel-Groulx, dans une mise en scène de Maxime Denommée.
Ça traitait de dictature de l’opinion, de suprématie de l’éditorial et de darwinisme social, le tout livré dans une succession de monologues livrés par des personnages dotés d’une intelligence perverse, dont l’outrecuidance s’annonçait comme une gifle, du moins nous avait-on prévenus que nous allions vivre une sorte d’expérience de laquelle un public non averti pourrait ne pas sortir indemne.
L’ère de la bêtise
Disons que ce n’est pas tout à fait ce qui s’est produit. Tout le monde a survécu à cet assaut verbal livré dans l’enceinte du studio Charles-Valois, transformé pour l’occasion en une sorte de musée des horreurs rhétoriques. Peut-être y étions-nous trop bien préparés? C’est une question légitime parce que le public (celui du vendredi, en tout cas) semblait disposé à encaisser davantage que ce qu’on lui a servi tout au long de cette soirée qui a tout de même tenu quelques-unes de ses promesses.
D’abord, le texte nous a semblé finement écrit, intelligemment construit aussi, quoique s’appuyant toujours sur un procédé dont on a vite repéré les clés. Les préjugés qu’il charriait, par ailleurs, en prêchant par le contre-exemple, n’ont cependant plus rien pour nous surprendre à l’ère des réseaux sociaux où la bêtise domine allègrement la plupart des débats. Bien sûr, il faut s’en inquiéter.
Matière à réflexion
Tout de même, certains passages de Tranche-Cul traitant, par exemple, de la liberté d’opinion (comparable au «droit inaliénable» de posséder une arme à feu), de la liberté illusoire que nous procure l’argent, de la misère humaine comme faisant partie de l’ordre des choses et de la valeur relative d’un être humain ont de quoi nous interpeller. Sans nous plonger nécessairement dans l’inconfort, cela dit.
En fait, si malaise il y eut, ce fut plutôt dans ces moments très drôles où l’on se retenait de rire – par exemple pour saluer la performance d’un(e) interprète – de peur de donner l’impression de cautionner le propos. C’est de ce genre de petits rires constamment étouffés dans l’œuf qu’a été accompagnée la performance (outre les applaudissements nourris à la toute fin) de cette troupe composée de six actrices et un acteur, lesquels se sont prêtés à cet exercice déambulatoire (les personnages circulaient parmi les spectateurs occupant l’espace de jeu) avec la ferveur voulue, en assumant courageusement cette responsabilité qu’ils avaient de prendre possession des lieux pour y déverser cette logorrhée disconvenante, jusqu’à l’assaut final où l’on nous suggérait que «la mort, dans la vie, c’est une bonne affaire quand ça arrive aux autres!» .
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