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« Maintenant, je me dis que si je veux pleurer, j’ai le droit »

Photo: Nina-Rose Cassivi –

Pour Michèle qui a eu de longs cheveux blonds toute sa vie, la perte de ses cheveux se vit comme un deuil à traverser.

« Maintenant, je me dis que si je veux pleurer, j’ai le droit »

Publié le 25/11/2024

Plusieurs dans la région connaissent les globe-trotteurs Michèle Deguise et Martin Généreux pour leurs films idylliques qu’ils présentent par l’entremise des Aventuriers Voyageurs.

Mais le diagnostic du cancer du sein de Michèle a obligé le couple de Saint-Jérôme à ranger leurs sacs à dos pour affronter un tout autre périple.

C’est en janvier dernier que Michèle se fait annoncer son diagnostic de cancer du sein, stade deux, qui s’est finalement avéré être au troisième stade. Au départ, les procédures impliquaient une opération (deux mastectomies partielles et le retrait 15 ganglions aux aisselles), suivi un traitement de radiothérapie. Finalement, c’est un processus beaucoup plus tumultueux qui l’attendait, car 16 traitements de chimiothérapie se sont ajoutés au programme.

« Au début, je pensais que mon corps allait se régénérer, mais on m’a vite fait comprendre que, parce qu’on m’a enlevé des ganglions lymphatiques, mon système immunitaire allait s’affaiblir pour le reste de ma vie », explique Michèle.

Après deux mastectomies partielles, Michèle avoue avoir été particulièrement secouée par la perte de ses cheveux : « Ç’a été dur. C’est un deuil, parce que j’ai toujours eu les cheveux longs et blonds. Mes enfants ne m’ont jamais vu avec les cheveux courts. C’est comme ça que je me reconnaissais. »

L’importance du village

« Je suis tellement reconnaissante du réseau que j’ai. Martin et mes enfants ont pris en charge tout ce qu’ils pouvaient. J’ai vraiment senti qu’ils ont pris une partie de ma douleur », raconte Michèle.

Même si elle voulait au départ tout prendre sur ses épaules pour minimiser la souffrance de sa famille, elle a rapidement appris à leur laisser de la place dans cette épreuve : « J’ai réalisé que si je les empêchais d’être là pour moi, je leur enlevais tout leur pouvoir, leur possibilité d’adoucir mes journées. Parce qu’ils en ont besoin dans l’impuissance qu’ils vivent. »

« J’ai arrêté de travailler parce que je voulais être là le plus possible pour elle », explique Martin qui a décidé de prendre sa retraite à l’instant où on lui annonçait le cancer de sa partenaire. Malgré tout, il a été grandement confronté au sentiment d’impuissance : « Ç’a été très difficile parce que dans la vie, j’ai toujours été une personne en action. À chaque problème il y avait une solution, mais ce n’est pu comme ça maintenant. »

C’est un sentiment que leur fils Gabriel a aussi ressenti, même s’il se libère autant que possible pour épauler sa mère : « Dès que je pouvais faire quelque chose, même si c’était insignifiant, je le faisais. Mais des fois, il faut juste accepter que tu ne peux rien faire. »

Photo: Nina-Rose Cassivi – Martin Généreux et Michèle Deguise avec leur fils, Gabriel.

Guérir en traversant la maladie

Michèle a vécu cette expérience comme un soulagement à son mal-être qui lui pèse depuis longtemps déjà : « Avant, je disais que j’avais le cancer de l’âme. J’ai eu des problèmes de dépression depuis longtemps, dès que j’avais 16 ans. J’ai aussi un post-partum très difficile et il y a eu beaucoup de hauts et de bas dans ma vie. Maintenant on dirait mon cancer physique, mon cancer du sein, est allé guérir mon cancer de l’âme. »

« C’est une belle chose qui est arrivée, parce que j’avais toujours l’impression de vivre sur du temps emprunté. Aujourd’hui, j’arrête de vivre de la culpabilité quand il faisait beau dehors, alors que j’avais juste envie de pleurer. Avant je me tapais sur la tête parce que j’avais tout pour être heureuse. Maintenant, je me dis que si je veux pleurer, j’ai le droit », admet-elle.

« Quand elle m’a dit ça, c’était le plus beau cadeau que j’ai eu de ma vie, confie Martin. Ça fait des années que je me disais qu’elle méritait tellement d’être heureuse. »

Sauvée par la prévention

Éligible aux mammographies préventives, Michèle a reçu son diagnostic, alors qu’elle n’avait aucune douleur ni symptôme : « Ça m’a sauvé la vie. Parce que je ne sentais rien et finalement mon cancer était de stade trois. Si j’avais attendu d’avoir des symptômes, il aurait été certainement trop tard. Et j’espère vraiment qu’ils vont baisser la limite d’âge pour avoir accès au protocole, parce que j’ai rencontré beaucoup de jeunes femmes qui l’ont. »

Même si les avancées médicales associées au cancer du sein ont permis de chuter considérablement le taux de survie, Michèle tient à rappeler tout le chemin qui reste à faire : « Beaucoup de gens me disaient que j’allais m’en sortir, que j’étais une guerrière. C’est super gentil, mais j’ai un malaise de me faire dire ça. Parce que même si tu fais tout ce qu’il faut, il y a quand même des femmes qui ne s’en sortent pas. Pour ces femmes-là, on ne peut pas dire que la bataille est gagnée d’avance. C’est pour ça qu’on ne doit pas banaliser cette maladie-là. »