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Réaménagement de la cellule 6 : Climat Québec prend l’offensive

La population réitère ses inquiétudes au sujet du projet de réaménagement de la cellule 6. À l’extrême gauche : François Laflamme, ingénieur civil. À l’extrême droite : Martine Ouellet, cheffe de Climat Québec.

Réaménagement de la cellule 6 : Climat Québec prend l’offensive

Publié le 02/06/2023

À l’aube de la deuxième partie de la démarche du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) au sujet du réaménagement de la cellule 6 de Stablex, les citoyens réitèrent leurs inquiétudes, leurs voix étant portées par celle de Martine Ouellet, cheffe du parti Climat Québec et ancienne ministre péquiste.

La demande d’un référendum pour les résidents de Blainville s’étant jusqu’ici solvée par un échec auprès de la Ville, c’est maintenant vers le gouvernement provincial que Climat Québec se tourne pour dénoncer les activités de l’usine de traitement de déchets dangereux. Le 30 mai dernier, le parti s’est rendu à l’Assemblée nationale pour faire valoir la mise en place d’un moratoire de cinq ans qui ferait cesser l’importation de déchets en provenance de l’extérieur de la province.

« Blainville doit arrêter de servir de poubelle toxique pour les États-Unis, soutient Martine Ouellet, ne machant pas ses mots. Le Québec n’est pas la dompe des pollueurs au sud de la frontière. »

Des 600 entreprises dont la multinationale reçoit de la matière inorganique, découlant entre autres de sols contaminés, de résidus de laboratoire et de piles électriques, 45% sont situées ailleurs au Canada ou aux États-Unis, et ce, depuis que le Ministère de l’environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) en ait imposé le seuil par la suite du rapport de la commission Charbonneau, en 1992. Auparavant, les déchets enfouis par Stablex provenaient à 80% de l’extérieur.

« Ce moratoire permettra au gouvernement de se donner le temps d’évaluer les alternatives possibles au projet d’agrandissement d’enfouissement de déchets dangereux à Blainville », peut-on lire dans la motion déposée par Climat Québec.

Le stablex en quelques lignes

Arsenic, mercure, plomb, cyanure et bien plus sont figés par le centre de traitement dans un procédé appelé « stablex », que l’on pourrait comparer à du ciment. Celui-ci est ensuite « coulé » dans d’immenses cellules souterraines, où il est disposé à perpétuité. Éventuellement et dans l’idée de réduire la profondeur nécessaire pour stocker la matière, la cellule 6 serait en partie érigée en hauteur, conformément à une nouvelle conception des consultants de Stablex. L’entreprise assure l’imperméabilité de la membrane recouvrant le tout et de l’argile qui compose principalement le sol dans cette zone. Or, la capacité de la cellule à retenir les résidus dangereux au fil du temps, tout comme la solidité du procédé stablex, sont remises en doute par la population.

« Il y a de la capillarité, ce qui veut dire que l’eau circule beaucoup plus lentement entre ces matériaux-là, mais ça circule quand même », indique Martine Ouellet, ingénieure mécanique de formation.

La cheffe accuse également l’entreprise de manquer de rigueur dans ses études d’impact et d’effectuer ses échantillonnages dans des conditions favorables qui ne reflètent pas la réalité. Il en irait de même pour les analyses telles que celles réalisées par SNC Lavalin en 2018, dans une pré-évaluation du projet de cellule 6. Au propos de ses estimations, SNC-Lavalin inscrivait textuellement dans son rapport qu’il « n’en assume nullement l’exactitude et décline toute responsabilité à leur égard », ce qui est suffisant, selon Climat Québec, pour démontrer les risques associés au projet.

Le réaménagement et les milieux humides

Rappelons que l’usine de traitement Stablex prévoit modifier l’emplacement qui devait accueillir sa nouvelle cellule pour l’installer sur un terrain appartenant à la Ville de Blainville, situé sur l’ancien dépôt de munitions du Plan Bouchard. La propriété, qui lui serait vendue à un coût de 14 M$, lui permettrait d’entreposer 8M de mètres cubes de déchets, soit près de deux fois plus qu’attendu au départ, pour une durée d’exploitation passant de 23 à 64 ans. Si le site est « zoné industriel et perturbé considérablement depuis les années 40 », d’après Stablex, Martine Ouellet croit qu’une telle qualification ne peut être qu’attribuable à une erreur commise en temps de guerre. Elle relève, à posteriori, du non-sens : la zone en question est entourée de tourbières et se trouve à quelques centaines de mètres des quartiers résidentiels. Elle est aussi surélevée, ce qui est sujet à inquiétude selon François Laflamme, ingénieur civil. Il explique que la matière dangereuse contenue dans les 10 à 15 mètres souterrains abritant les produits stablex ainsi que dans le monticule hors-terre de 20 mètres pourrait être amenée, en raison du ruissèlement, à rejoindre l’esker et la nappe phréatique profonde alimentant les puits.

« S’il y a des pluies diluviennes récurrentes, les eaux de ruissèlement iront vers le point bas, et le point bas, c’est la tourbière, explique-t-il. On dit que [les deux sites] ne sont pas à la même place, mais la configuration et le relief du terrain feraient que ça irait au même endroit. »

La zone ciblée pour la cellule 6 est entourée de milieux humides.

Par ailleurs, Liza Poulin, mairesse de Blainville, avance que « si le projet de cellule 6 de Stablex n’est pas réalisé sur le site actuellement à l’étude au BAPE, il le sera sur le site appartenant au gouvernement du Québec […] à proximité de résidences. »

Cependant, il a clairement été indiqué que le terrain initial de la cellule 6 est lui aussi assujetti à une validation de la part du MELCC, et que les choses ne sont pas encore jouées, fait remarquer Martine Ouellet.

Et ensuite?

Le 1er juin dernier, les citoyens et organismes ont pu déposer leurs mémoires officiels à la commission d’enquête du BAPE. Ce dernier synthétisera les prises de position dans un rapport qu’il soumettra au ministre. D’après Martine Ouellet, il n’y a pas lieu de se réjouir en vue du dénouement de l’histoire. La cheffe de Climat Québec évoque la première commission d’enquête du BAPE commandée à l’arrivée de Stablex à Blainville, en 1981. Celle-ci avait approuvé l’installation du centre de traitement sous des conditions qui « n’ont jamais été respectées ». François Laflamme, pour sa part, s’étonne qu’en 43 ans d’occupation du territoire, Stablex n’ait jamais effectuée de recherche pour « faire les choses différemment. »

Pierre Lego, directeur du soutien aux opérations et des projets de l’entreprise, mentionne que les options de refabriquer quelque chose d’utile avec la matière toxique n’ont pas encore été évaluées en raison du cadre règlementaire. Il jette toutefois l’idée, en audience publique, de briser ces conventions et de trouver un moyen pour que « cette matière dangereuse qui est envoyée à un centre autorisé pour disposition finale redevienne une matière non-dangereuse. »

La deuxième phase de consultation publique commencera le 6 juin prochain et sera consacrée à l’audition des mémoires. Tous sont invités à y participer en se rendant au Centre culturel et communautaire Thérèse-De Blainville, à 19h.