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Syndrôme Gilles de la Tourette : Charles-Étienne Gratton, persévérer coute que coute

Photo Dany Baribeau –
Charles-Étienne Gratton entouré de sa mère, Anne-Marie Lamothe et sa soeur Mathilde.

Syndrôme Gilles de la Tourette : Charles-Étienne Gratton, persévérer coute que coute

Publié le 09/08/2024

Comme environ un enfant sur 160, le Blainvillois Charles-Étienne Gratton a reçu un diagnostic de syndrome de Gilles de la Tourette. Bien que cette condition l’ait habitué à faire preuve de résilience dès son plus jeune âge, à 21 ans, il doit aussi faire face au défi que représente son intégration au marché du travail.

Le syndrome Gilles de la Tourette est un trouble neurologique qui se manifeste par des tics moteurs et vocaux involontaires (toux, raclement de gorge, grognement, etc). Dans le cas de Charles-Étienne, d’autres de ses enjeux sont l’anxiété, l’organisation, la planification, la mémoire de travail et l’adaptation au changement, tous des facteurs qui peuvent affecter négativement son rendement aux yeux d’un employeur. 

Souvent, Charles-Étienne s’est fait dire : « Tu ne fonctionnes pas assez bien. Tu ne comprends pas assez vite. Tu bâilles trop », et même s’il comprend le rendement exigé, il déplore le manque d’ouverture auquel il a souvent fait face : « Je ne pense pas qu’ils ont pris la peine de vraiment creuser à l’intérieur et me poser des questions et me dire qu’est-ce qui pourrait m’aider à être un meilleur employé. Ils se sont dit : “On t’a engagé, sois à ton meilleur”. Mais j’ai vraiment besoin d’aide pour être à mon meilleur. Ce n’est pas quelque chose que je peux atteindre par moi-même », explique-t-il de façon imagée, se décrivant comme un matelot n’ayant qu’une cuillère pour ramer.  

Un peu de plaisir à travers les défis

Pourtant, toutes ses expériences de travail n’ont pas été négatives. Il parle de son emploi comme moniteur de camp de jour comme l’un des plus beaux moments de sa vie : « C’était vraiment comme si une flamme s’était allumée au fond de moi, de voir les enfants qui voulaient m’avoir comme moniteur. Encore aujourd’hui des fois je marche et je croise l’autobus du camp de jour et les enfants me regarde par la fenêtre ». Même sa mère, qui enseigne aux enfants qui l’ont eu comme moniteur constate la popularité de Charles-Étienne, ou plutôt, de Tabasco comme les enfants l’appellent. 

Maintenant, Charles-Étienne travaille depuis quelques mois comme boulanger au Super C et il a finalement trouvé une certaine stabilité grâce, entre autres, à l’aide d’une supérieure compréhensive et volontaire. Sa patronne, Mélanie a mis en place pour lui des aménagements efficaces, parfois aussi simple que de lui préparer des listes de tâches, ce qui a fait une énorme différence pour Charles-Étienne et son estime personnelle : « Elle m’a dit que j’étais son meilleur employé et que j’étais son seul à temps plein », raconte-t-il fièrement. 

Lorsque « le système » s’adapte, cela peut faire une grande différence pour la personne concernée, mais aussi pour l’entreprise elle-même. En effet, un article datant de 2019 sur le World Economic Forum (https://www.weforum.org/agenda/2019/04/what-companies-gain-including-persons-disabilities-inclusion/) relate que les entreprises inclusives voient une augmentation de 28 % de leurs revenus et de 30 % de leurs marges de profit économique par rapport à leurs pairs non inclusifs. 

Un support familial indéfectible

Sa mère, Anne-Marie Lamothe, enseignante, a été pour son fils un support déterminant et indéfectible, partageant avec lui chaque défi et chaque frustration : « Ma mère a toujours été là pour moi, elle est ma béquille. Elle m’a aidé à persévérer et à atteindre mes objectifs [… ]La persévérance est la clé du succès. Même si ça ne donne rien tout de suite, il faut continuer. À un moment donné, tu verras que ça va donner quelque chose. » C’est cette attitude qui lui a permis de faire de sa condition en une habileté unique, lui qui se perfectionne dans l’art du beat box en canalisant ses tics vocaux de façon artistique. 

Le parcours de Charles-Étienne est une leçon de courage et de détermination, mais il met aussi en lumière le chemin qui reste à parcourir pour améliorer l’intégration des personnes différentes sur le marché du travail au Québec. Depuis l’entrevue, Charles-Étienne a changé deux fois de superviseur au Super C, ce qui n’a pas été facile. Malgré tout, le jeune homme a su conserver son emploi et dit se sentir bien aujourd’hui. 

Il est maintenant inscrit au DEP pour devenir préposé aux bénéficiaires. Anne-Marie Lamothe, sa mère, espère le voir réussir, surtout après l’avoir vu abandonner sa technique en éducation spécialisée en raison de sa difficulté avec le programme régulier (français, philosophie principalement), lui qui avait pourtant maintenu une moyenne de 80 % dans ses cours techniques.