Serge Gilbert, qui coordonne l’Association de promotion et d’éducation en logement en a vu des problématiques de logement depuis qu’il est à la tête de l’organisme. Et ça continue. Sur son bureau, pas moins d’une centaine de dossiers s’amasse depuis le début de l’année, en attente d’une action.
« Depuis le 1er janvier 2024, on reçoit trois appels sur cinq pour un problème d’éviction ou un avis frauduleux. Et il y a ceux qui ont un problème de paiement, spécifie M. Gilbert, et malheureusement, eux, on n’est pas capables de les aider. »
Crise anticipée
Ce ne sont pourtant pas les efforts de sensibilisation qui ont fait défaut de la part de l’APEL.
« En 2010, on avait déjà levé le drapeau rouge. On avait dit : le territoire de la MRC de Deux-Montagnes vit une pénurie de logements. Si rien n’est fait, dans trois ans on va se ramasser avec une crise du logement. Et là, on est en situation de crise », rappelle le coordonnateur de l’APEL.
Du 1er novembre 2022 au 31 octobre 2023, l’APEL a ouvert 175 dossiers de citoyens, des locataires aux prises avec une problématique de logement, parmi lesquels 60 % ayant reçu un avis d’éviction, 15 % avec un problème d’insalubrité, 15 % étant incapables de payer et 10 % de locataires vivant une mésentente avec leur locateur.
Évidemment, en cette période crise aigüe, les locataires sont nombreux à louer un logement même hors de prix, en raison de la rareté des logis du marché locatif actuel.
Jusqu’à 75 % du budget
M. Gilbert affirme même que certains citoyens des Basses-Laurentides consacrent jusqu’à 75 % de leur revenu pour s’assurer d’un toit sur la tête, alors que personne ne devrait dépasser 25 % de son budget mensuel pour se loger.
Les individus se plient aussi aux mesures exagérées et non obligatoires : enquête de crédit, enquête de personnalité, enquête criminelle. « Et si vous refusez, vous êtes exclus », souligne M. Gilbert.
Certains propriétaires vont jusqu’à s’assurer que le potentiel locataire n’a jamais fait appel au Tribunal Administratif du Logement.
Bref, la situation du logement est telle qu’à L’APEL, on n’hésite pas à inciter les gens à demeurer dans leur logement qu’ils occupent déjà si on ne les force pas à le quitter. Selon le FRAPRU, le coût moyen du loyer, qui avait déjà augmenté de 9 % l’an dernier, a encore bondi de 7,4 %.
« On dit aux gens : « Ne quittez pas, subissez. On est rendu là, car il n’y a pas de logement », se désole Serge Gilbert.
Les abus existent
M. Gilbert note le cas d’un immeuble à logements de la rue Lalande, à Sainte-Thérèse, où le propriétaire a prétexté des travaux de rénovation majeurs et envoyé un avis à ses locataires, leur proposant une somme de 3000 $ pour compenser leur déplacement, de juillet à octobre, soit une fois que leur bail a officiellement pris fin, après le 30 juin.
Quatre des seize locataires ont accepté ce montant et ont quitté les lieux, croyant qu’ils pourraient revenir dans leur logement, une fois les travaux terminés.
Or, leur bail n’ayant pas été renouvelé automatiquement à la fin juin puisqu’ils ont accepté de quitter – même temporairement – le propriétaire n’avait pas l’obligation de leur redonner leur logement.
Des situations comme celles-là, M. Gilbert en voit plein. Et les prétextes des propriétaires se diversifient bien au-delà de la reprise d’un logement pour un proche.
Faire respecter ses droits
« Les locataires ne sont pas des imbéciles, mais ils n’ont pas vraiment de moyens pour vérifier. Mais il faut savoir que la loi donne six mois au propriétaire pour aviser son locataire de la reprise d’un logement. Pas avant six mois ni après six mois », dit-il.
Puis, dernier rappelle toutefois aux locataires qu’ils ont des recours, notamment pour l’exécution de travaux nécessaires lors d’insalubrité et pour la hausse abusive. Si un propriétaire n’a effectué aucun travaux, l’augmentation du coût du loyer ne peut pas dépasser 4 % pour un 4 ½ non chauffé, tel que fixé par le Tribunal administratif du logement.
MOTS-CLÉS
crise du logement