Il nous avait offert Le Livre du Pouvoir, en 2012, voilà que le Calumet-Pontois Serge Lepage délaisse les rives antiques du Nil pour asseoir l’action de son deuxième roman en Gaspésie, là où, s’inspirant d’un dossier qui a fait l’actualité dans les années 1960 et 1970, il propose un roman policier dont l’intrigue se tisse sur le canevas de la collusion, de la corruption et de l’abus de pouvoir.
Publié aux éditions Le Lys Bleu (Paris), l’ouvrage intitulé Sale temps pour les morues s’étend sur 176 pages en épousant un schéma narratif en déconstruction. Dès l’incipit, nous sommes dans l’appartement du journaliste Maxime Lavoie qui vient d’être assassiné par un professionnel de la chose, lequel ne quittera les lieux qu’après y avoir dérobé l’ordinateur de la victime, sa caméra, ses carnets de notes et d’autres documents.
Qui a tué Maxime Lavoie? Et surtout pourquoi? D’autant plus que la police se montre plutôt prompte à classer ce dossier dans le tiroir des «cambriolages qui ont mal tourné» . C’est ce que le lecteur apprendra tout au long de ce récit, au fil d’une enquête parallèle menée par l’historien et ami de Maxime, Alex Vincent, qui était d’ailleurs le protagoniste du premier roman de Serge Lepage.
Le péril gaspésien
Pour étoffer son récit, l’auteur rappelle à notre mémoire ce projet gouvernemental qui avait fait les manchettes après la mise sur pied le Bureau d’aménagement de l’Est du Québec (BAEQ) qui suggérait alors, pour cause de déclin démographique et économique, la fermeture de plusieurs villages gaspésiens et du Bas-Saint-Laurent (96 villages, au total), une opération qui prévoyait la relocalisation stratégique de quelque 65 000 personnes. La chose avait d’ailleurs suscité la mobilisation de la population et, au terme d’un mouvement de protestation connu sous le nom d’Opérations Dignité, dans les années 1970, ce sont finalement une dizaine de villages qui furent rayés de la carte.
Partant de cette prémisse, Serge Lepage a imaginé une histoire qui se déroule également en Gaspésie, là où le romancier a séjourné, de 1973 à 1976, alors qu’il était un tout jeune diplômé en Techniques de radiologie. Plus tard, dans les années 1990, c’est en qualité d’océanographe qu’il y retournera et qu’il imaginera cette histoire jumelle, celle d’un projet caché, d’une envergure insoupçonnée, sur lequel le journaliste assassiné enquêtait depuis quelque temps. En dire davantage gâcherait évidemment votre plaisir.
«Je connaissais bien cet épisode du BAEQ, un projet qui n’était peut-être pas mauvais en soi» , exprime Serge Lepage qui reconnaît du même souffle que beaucoup de résidants de ces petits villages en ont été profondément bouleversés. «J’ai donc eu l’idée d’un autre projet fictif impliquant encore le gouvernement» , raconte l’auteur qui soumet en rigolant que les discussions de taverne auxquelles il a résolument pris part, alors que de nombreux citoyens exprimaient encore certaines craintes quant à l’avenir de leur région, ont contribué à nourrir la bête.
«Dans la réalité, on a continué de dire que la Gaspésie n’était pas une région viable. L’idée de ce roman-là, finalement, c’était de dire aux gens: soyez sur vos gardes» , de dire Serge Lepage qui retourne souvent chez les «morues» (un surnom donné parfois aux Gaspésiens et que l’on retrouve incidemment dans le titre de son roman), dans une région qu’il adore.
La suite des choses
L’envie de voir son roman porté à l’écran trotte dans la tête de Serge Lepage, qui est aussi diplômé en scénarisation (ça se sent dans cette écriture narrative, descriptive, voire elliptique, et formulée au présent de l’indicatif), mais l’auteur planche actuellement sur un projet qui prendrait la forme d’une série documentaire sur l’eau, un truc pour la télévision qui ferait connaître cet élément sous différents aspects (l’eau et le loisir, le travail, la santé, entre autres), en y faisant intervenir différents spécialistes. «Ça pourrait commencer au bord du lac des Deux Montagnes» , soumet Serge Lepage. Et finir dans le Sud, sur le bord de la mer?
MOTS-CLÉS
Pointe-Calumet