Comme bien d’autres Québécois, longtemps nommés Canadiens-français, Emma Jane Green trainait ses racines du Vieux Continent. De Birmingham, née en pleine ère victorienne d’un père inconnu. En quittant sa patrie, c’est un peu les ragots et la honte qu’elle repoussait de sa vie. Sa rencontre avec Will Herring, simple forgeron, sera déterminante puisqu’il la convaincra de partir vers une nouvelle vie au Nouveau Monde, plus précisément dans la province de Québec.
Tout un dépaysement pour la jeune Emma, qui ne parle pas un traite mot de français et qui a rejoint son mari plusieurs mois après que celui-ci se soit installé. Emma Herring a finalement pris le bateau avec bagages et nouveau-né en mai 1912. Un mois à peine après Le Titanic, ce qui n’était guère rassurant.
S’adaptant difficilement à sa nouvelle patrie, elle repartira plus d’une fois et restera même coincée par le déclenchement de la Première Guerre Mondiale, tandis que son mari Will ira combattre sur le terrain.
L’autrice Élaine Brunette s’est mise à la recherche d’archives, de documents retraçant les Anciens combattants avant de prendre sa plume et de scénariser le parcours de vie de son arrière-grand-mère. Un travail de longue haleine mais qui a été profitable puisqu’elle a retracé d’importantes pages d’histoire familiales.
Une femme secrète
L’ayant côtoyée jusqu’à ses 11 ans, Mme Brunette se souvient d’une femme secrète dont on n’a su l’histoire que des années après sa disparition. Un probable cas d’inceste, en a-t-elle déduit. « Elle a été élevée par ses grands-parents, qu’elle croyait ses parents et sa grande sœur. En réalité, sa grande sœur était sa mère. Alors, elle a vécu dans le secret et la honte et elle n’a jamais su qui était son père. Si elle s’en est doutée, elle n’a jamais voulu en parler. Ce secret est sorti lorsqu’elle est allée à l’école », souligne l’autrice.
Cette histoire cachée, tabou, a marqué Mme Brunette qui a voulu la raconter. Surtout que Emma Herring a eu par la suite un parcours de vie mouvementé mais illustrant bien la femme forte qu’elle est devenue au fil de son histoire personnelle avant de s’envoler vers d’autres cieux, à l’âge de 82 ans.
« C’est son esprit d’indépendance qui m’a fasciné, surtout pour l’époque. Elle est restée toute seule en Angleterre alors que son mari était déjà au Canada puis elle a fait la traversée seule avec son fils. Et elle était probablement morte de peur puisque, justement Le Titanic venait de frapper un iceberg deux semaines auparavant et sans savoir ce qui l’attendait ici », relate l’autrice.
Et le cœur de l’aïeule balancera toujours entre deux continents, d’où le titre choisi par l’autrice blainvilloise.
Le roman se déroule entre 1908 et 1920, mais son dernier chapitre, l’épilogue, transporte le lecteur à la fin de sa vie, passée en grande partie dans le secteur de Côte Saint-Paul, sur l’île de Montréal, où vivaient bon nombre d’Irlandais. À la fin de sa vie, Emma Herring ne parlait donc pas beaucoup plus français qu’à son arrivée.
Voilà donc l’histoire racontée dans ce deuxième bouquin signé de la plume d’Élaine Brunette, qui s’était commise pour la première fois en publiant La Symphonie d’Agathe, édité à compte d’auteur. Cette fois, l’autrice s’est tournée vers Les éditions Enoya.
MOTS-CLÉS
Blainville
Les Éditions Enoya
Entre deux continents
Élaine Brunette
Emma Herring