Sous la forme de l’enregistrement d’une émission de radio bidon, Lapierre et Sylvain Hétu explorent les rouages et les méandres de l’amitié, de la mémoire, de la nostalgie.
Le mystère plane, alors que l’on parcourt le programme de la pièce, dans lequel Frédéric Lapierre refuse de donner des détails sur la soirée qui s’annonce. Il préfère de toute évidence surprendre et déstabiliser un brin son public, ce qu’il continue de faire en présentant d’abord la pièce comme une véritable émission de radio qui serait enregistrée en direct.
Jouer le jeu
Les spectateurs, ravis d’avoir été choisis, sautent à pieds joints dans l’aventure, se pliant de bonne grâce aux caprices de l’enregistrement live. Il est intéressant de remarquer, de ressentir presque physiquement le changement d’attitude du public, alors que le doute se dissipe et que l’on prend pleinement conscience (pour la plupart) d’être, en fin de compte, bel et bien au théâtre. La fébrilité se mue en écoute attentive, les bavardages s’estompent, le spectacle commence.
La scène baignant dans un éclairage bleuté (une table, deux chaises et deux micros), Frédéric Lapierre accueille son invité, le comédien Sylvain Hétu, dans sa Maison humaine. Celui-ci est venu parler de sa passion pour le philosophe belge Mark Van Kettink, dont les observations sur les relations interpersonnelles et la vie en général résonneront drôlement ou durement au fil de l’entrevue. Car on découvrira que la présence d’Hétu à l’émission de Lapierre n’est pas fortuite.
En effet, les deux hommes ont été liés par cette sorte d’amitié puissante, exclusive et en apparence indestructible qui semble être le propre de l’enfance et de l’adolescence. Mais comme c’est souvent le cas, le lien s’est érodé, étiolé, jusqu’à disparaître complètement.
Une blessure encore vive
Comment? Pourquoi? Frédéric Lapierre ne l’a pas digéré et il cherche des réponses à ces questions que l’on n’a généralement pas la chance de poser. Voilà ce qui peuple réellement la Maison humaine, une vieille complicité et des fous rires, des souvenirs racontés en aparté, des vérités à la fois dures et banales, quelques malaises et une sorte de vide.
À travers les réflexions verbeuses empruntées au philosphe Van Kettink, on découvre celles de Sylvain Hétu sur sa relation avec Frédéric Lapierre, alors qu’à travers les silences-radio de ce dernier, on devine la blessure encore vive de sa peine d’amitié dans des moments où c’est l’absence de mots qui exprime l’émotion.
Et devant cet objet théâtral au format inusité, nul ne peut demeurer indifférent, que ce soit par les réflexions qu’il génère sur nos propres amitiés ou sa formule étonnante et rafraîchissante.