Cette fois, le PTDN nous invite à faire un plongeon dans un passé pas si lointain, une histoire bien campée dans la région, très exactement en 1982, alors que quelque 1 800 salariés de la GM de Boisbriand viennent de perdre leur emploi, que les taux hypothécaires avoisinent les 20 %, que l’État vient d’imposer de sévères compressions dans la fonction publique et que le Québec vit une sorte de spleen post-référendaire qui a laissé des traces et causé des dissensions à l’intérieur de bien des familles et cercles d’amis. Un moment où l’idéal collectif a fait place aux aspirations individuelles.
Une histoire de fratrie
Cet épisode sera donc évoqué alors que nous verrons défiler Claire et son mari, Marcel, un enseignant qui voue malgré tout un culte à René Lévesque, son beau-frère Gilles, désormais chômeur, et les deux sœurs de Claire, Monique et Dorothée, laquelle vient de se séparer de son mari. L’atmosphère n’est guère à la joie et l’on verra si les liens familiaux sont tricotés assez solidement pour résister à l’air ambiant. Le récit, en fait, nous parviendra à travers le souvenir que la fille de Claire et Marcel en aura conservé.
«Nous avons discuté, avec François, de cette fratrie qui existe depuis 20 ans au Petit Théâtre du Nord. Nous avons vécu l’évolution d’une entreprise culturelle dans une région. Nous étions des amis dès le départ et cette amitié-là est toujours aussi forte. C’est de ça que nous voulions parler» , exprime Luc Bourgeois, l’interprète de Marcel, qui cosigne la mise en scène avec Sébastien Gauthier, comme si on avait voulu pousser l’exercice jusqu’au bout en mettant cette amitié à l’épreuve.
Tel est donc le thème central de la pièce: l’amitié qui résiste à tout et, dans le cas présent, les liens familiaux mis à mal par un contexte socio-politique bien précis, la petite et la grande histoire partageant un espace commun. Tant Luc Bourgeois que Sébastien Gauthier conviennent de la signature dramaturgique de François Archambault qui, dans un contexte donné, suggère une épreuve que les personnages ne peuvent pas contourner. On n’y parlera pas explicitement du PTDN, mais l’action se situera tout de même dans la région qui l’a vu naître et parlera d’un épisode, du moins un contexte que les parents des deux acteurs ont bien connu. «Ç’a donné ce qu’on voulait» , s’exclame Sébastien Gauthier.
Pour ce qui est de la mise en scène à deux têtes, sachez qu’à la veille de la première, l’amitié est demeurée intacte. «Bien que nous soyons différents dans notre façon de diriger les acteurs, bien que nous ayons chacun nos propres couleurs, nous savons tous les deux pour qui nous travaillons. Nous connaissons la genèse et l’ADN de la compagnie. C’est évident que si je réfléchis à un spectacle pour le PTDN, il y aura des échos communs entre Sébastien et moi» , indique Luc Bourgeois, qui se définit comme un cérébral, alors que Sébastien est plutôt instinctif.
Avant les premières répétitions, d’ailleurs, on s’est entendu sur les orientations à prendre, sur la nature de chaque personnage, de telle sorte qu’avant même d’ouvrir la bouche devant les autres membres de l’équipe, on s’était assuré d’être au diapason. «On se connaît tellement qu’on est capable d’avoir une discussion franche sans avoir peur de se blesser. Et ce qu’il y de beau, au PTDN, c’est que c’est toujours le show qui prime. Il n’y a pas d’ego. Ce n’est pas important de savoir d’où vient l’idée et qui a raison» , renchérit Sébastien Gauthier.
En fait, la plus grande difficulté qu’on puisse rencontrer lorsqu’on se met soi-même en scène, c’est de ne pas avoir toujours une vision globale du spectacle. «C’est vraiment sournois. Parfois tu sors tes lignes en acceptant de ne pas être bon, parce que ton œil est davantage occupé à observer ce que font les autres. Quand le metteur en scène surgit, c’est difficile de le laisser tomber» , révèle Luc Bourgeois.
Pour contourner le problème, on a eu recours à la caméra et même à des doublures, bref, on a fini par y trouver son confort, de telle sorte que le soir de la première et pour les représentations qui suivront, rien ne transpirera.
À l’affiche jusqu’au 24 août
Avec Mélanie Saint-Laurent, Louise Cardinal et Marie-Hélène Thibault, ils livreront le fruit de leur travail dans une comédie tissée sur canevas de déprime. Le comique, dès lors, logera dans les rapports entre les personnages, dans l’absurdité du quotidien, dans l’intensité des convictions, dans le souvenir des événements qui ont marqué cette époque, jusqu’au rappel de certaines émissions de radio.
Quelque chose comme une grande famille tiendra l’affiche jusqu’au 24 août. Pour informations ou réservations: [http://www.petittheatredunord.com]; 450 419-8755; info@petittheatredunord.com.
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Blainville
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