Imaginez : ils étaient quelque 27 interprètes à s’escrimer, dardant sur leurs camarades les répliques assassines du Richard III de Shakespeare (traduit et adapté par Jean-Marc Dalpé), dans une production pour le moins hétéroclite qui puisait à toutes les sources possibles de l’expression scénique : théâtre, marionnettes, danse, hip-hop, cinéma, projections en direct (certaines scènes étaient jouées dans le studio Charles-Valois), arts martiaux, chant, bref, ça sentait à plein nez la fête et l’excès, le défoulement artistique et le plaisir.
Chimie et collégialité
«On voulait un show de gang, un show de département, un show de troupe», résume le coordonnateur de l’ETP, Sébastien Gauthier, qui cosignait la mise en scène de ce spectacle avec Philippe Boutin. «Ce qui ressort de tout ça, la grande victoire de ce spectacle-là, c’est la chimie qui s’est créée entre les programmes de production et d’interprétation», poursuit-il.
En cela, et le coordonnateur en a fait la remarque à tous les artisans de la chose (une centaine d’étudiants) et à ses collègues enseignants, cette production était en parfaite concordance avec l’idée même du fondateur de cette école de théâtre, Jean-Robert Rémillard, qui idéalisait ce rapport de collégialité, cette façon de canaliser tous les talents et faire en sorte que chaque individu soit partie prenante d’un succès. «C’est l’esprit de troupe, dans le sens noble du terme», renchérit Sébastien Gauthier.
Ce fut tout de même un imposant défi, pour ne pas dire une aventure périlleuse, puisqu’il a fallu faire tout ça dans le contexte particulier que l’on sait, et en seulement 150 heures, alors qu’une production similaire, dans une compagnie professionnelle (comme celle qui avait été présentée au TNM, en 2015) s’accommoderait aisément du double et même plus.
Mission accomplie
Signalons qu’en amont, la saison 2020-2021, qui aurait pu tout simplement ne pas avoir lieu, s’est vite trouvée amputée de cinq des sept spectacles prévus à l’horaire. Plus est, on se retrouvait dans une année-charnière, avec deux cohortes de finissants, le programme d’interprétation passant désormais de quatre à trois ans. D’où les 27 comédiens et comédiennes, dont le travail était appuyé, ne l’oublions pas, par toute l’équipe de production (une quarantaine d’individus durant les représentations).
Ça fait beaucoup de monde sur scène et dans les coulisses, sans compter qu’il se trouvait aussi devant eux un public composé d’une quarantaine d’étudiants et d’enseignants, dûment autorisés et soigneusement dispersés sur le parterre du Théâtre Lionel-Groulx, en plus des quelques centaines de spectateurs qui assistaient virtuellement à la chose (quand on parle de se réinventer), en direct comme en différé.
Il y avait aussi la contrainte de la distanciation dans l’espace de jeu, qui a été respectée en tout temps, même quand ça ne semblait pas le cas : c’est que certains des interprètes vivent soit en couple ou en colocation, donc dans la même bulle. «Personne n’a attrapé la COVID», assure Sébastien Gauthier, alors que cette menace planait à tout moment et que l’apparition d’un seul cas risquait de mettre un frein définitif à tout cela, comme c’est arrivé à l’École nationale, par exemple, à la veille même des représentations. «On a peut-être été chanceux», admet-il.
Après coup, on est à même de mesurer la portée des paroles de Sébastien Gauthier quand il nous parlait, en juin dernier, de son désir de faire un pied de nez au virus en montant ce spectacle à grand déploiement. «Je remercie le Collège de nous avoir permis de le faire. Nos finissants ont besoin de jouer et de le faire devant du monde. Le théâtre est un art vivant. Et nous l’avons fait en pleine pandémie. J’étais vraiment fier de mon école», exprime-t-il. Mission accomplie, donc.
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