On ne parle pas ici de s’esclaffer grassement sur des jokes de mononcle, mais bien de ce rire «avisé» qui survient lorsqu’on sent qu’un travers humain a été savamment souligné, avec subtilité et intelligence, ce que le Petit Théâtre du Nord accomplit avec succès depuis déjà 18 ans.
L’Homo quebecus sous la loupe
Avec ce nouvel opus intitulé Chinoiseries (recette du désordre), de l’auteure Isabelle Hubert, on continue d’explorer cette contrée aux ressources inépuisables, en mettant cette fois sous la loupe un bipède que nous connaissons bien (du moins le croit-on): l’Homo quebecus. En fait, oserions-nous prétendre, il s’agit sans doute de la pièce la plus savoureusement québécoise à avoir été produite au PTDN jusqu’ici.
D’abord parce que l’auteure ne porte aucun jugement sur les quatre personnages qui s’y confrontent, au cœur d’un différend familial qui prend sa source dans l’épineuse question du baptême (une tradition importante pour les uns, saugrenue pour les autres… comme toutes les traditions, sans doute).
Les deux couples impliqués, Christian et Maude (qui viennent d’adopter une enfant chinoise), de même que Josée (sœur de Christian) et son nouvel amoureux, Rémi, sont les protagonistes de cette enfilade de scènes de la vie québécoise sur fond de gestion de crise occasionnée par un véritable choc des valeurs.
Ils sont profondément humains, c’est à dire adorablement tout croches. Chacun y va avec ce qu’il est et ce qu’il a, en restant résolument campé sur ses positions, quitte à prendre des détours hypocrites ou à déployer l’artillerie mesquine. On y perd allègrement les pédales, la tension est soutenue, on s’engueule, on se déteste, on tente de réparer les pots pour les fracasser aussitôt et les recoller, parce qu’il le faut, parce que la famille demeure malgré tout l’ultime refuge. On baigne dans l’universalité des conflits familiaux, mais avec une saveur, au risque de se répéter, typiquement québécoise. On s’y reconnaît, dans ce que nous avons de plus culturellement intime.
Solide distribution
Vous aurez deviné que la soupe est dense et qu’il faut la brasser vigoureusement pour en faire remonter tous les ingrédients, ce que font résolument les quatre comédiens engagés dans cette aventure truculente, Sébastien Gauthier, Mélanie St-Laurent, Daniel Parent et Marie-Hélène Thibault. Ils assument totalement ces personnages imparfaits, dans cette production rythmée par des coups de gong qui viennent ponctuer l’action, en même temps que l’on diffuse des extraits d’émissions de télé chinoises (qu’on devine authentiques) qui annoncent un peu ce qui vient, tout en accentuant l’idée du choc des cultures.
Le texte d’Isabelle Hubert est rempli de finesse. Il repose sur des observations très justes et va droit au but, porté par des comédiens qui se le mettent en bouche avec une délectation manifeste. Nos valeurs judéo-chrétiennes et les fondements catholiques de notre culture, tout ce qui continue de nous façonner à notre insu, tout cela est contenu dans cette production bourrée de nos travers, mais aussi de nos plus sublimes qualités (cet impérieux penchant pour le vivre ensemble à tout prix, qui nous rend si attachants, par exemple), et qui porte la signature du metteur en scène Michel-Maxime Legault.
Ça se passe dans votre cour, c’est à dire dans la salle aménagée au Centre communautaire de Blainville, jusqu’au 19 août. Les représentations ont lieu les jeudis, vendredis et samedis à 20 h. Information et billetterie: 450 419-8755 ou [www.petittheatredunord.com].