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<em>Les héros de mon enfance</em>: turbulents, mais tellement sympathiques!

Camille Galarneau-Ricard (Cendrillon), Simon Dufresne (le petit Poucet) Alexandra Gagné-Lavoie (le petit Chaperon rouge) Félix Lahaye (le Loup) et Laurianne Gingras-Saint-Aubin (Belle), dans Les héros de mon enfance.

Les héros de mon enfance: turbulents, mais tellement sympathiques!

Publié le 26/05/2016

Turbulents? Insupportables, voulez-vous dire! Criards et revendicateurs, aussi. Égocentriques et porteurs d’une mauvaise foi sans limite, pour la plupart, ils ont tous les défauts du monde, ils sont mesquins, vulgaires et lubriques, ils détestent les enfants, ils ont parfois un peu de cœur, mais ils sont surtout ridicules, ce qui heureusement ne les tue pas puisqu’ils sont, en bout de ligne, éminemment sympathiques!

Ils sont tous droits sortis de l’imagination de Charles Perreault, mais c’est un auteur d’ici et de notre temps, Michel Tremblay, qui en aura exacerbé les contours dans Les héros de mon enfance, comédie musicale écrite en 1976 et que reprenaient les finissants en Théâtre musical de Lionel-Groulx, ces derniers jours, dans une mise en scène de Reynald Robinson qui a tenu parole en nous promettant un pur divertissement.

Le petit Poucet, le petit Chaperon Rouge, la Belle au bois dormant, le Grand méchant loup, Le Prince Charmant, Peau d’Âne, Cendrillon et Carabosse s’y égosillaient en partageant la scène bien malgré eux, dans un superbe décor de Maude Fournier qui avait recrée une forêt de bouleaux au cœur de laquelle prendrait place le personnage muet du pianiste (excellent Jean-Fernand Girard). C’est lui qui, en claquant du doigt, les animerait, les ferait chanter et danser, avant de refermer le livre sur leurs vies ratées et leurs rêves étouffés.

Spectaculaire et amusant

Dans l’intervalle, ces personnages prendraient le plancher l’un après l’autre, exprimant leurs doléances avec une affectation exagérée, dans une enfilade de numéros spectaculaires et fort amusants. Momentanément affranchis du contexte pour lequel ils avaient été créés, on les verrait prendre peu à peu conscience de leur condition, de leur drame, de leurs désirs, jusqu’à souhaiter une autre vie, un autre rôle. «Ne restons pas des poupées de porcelaine mystérieuses et fragiles», s’exclame d’ailleurs le petit Poucet, alors qu’il tente ultimement de mener une révolte qui sera platement étouffée dans l’œuf.

Ce désir de changer les choses

Outre l’envie de se moquer de ses références culturelles et des mythes européens (tel qu’exprimé par l’auteur, en avant-propos de l’édition originale), Les héros de mon enfance portent aussi ce thème récurrent chez Tremblay qui donne continuellement la parole à des personnages incarnant ce désir individuel ou collectif de changer les choses.

À ce chapitre, il faut reconnaître qu’au rayon des pièces sur les envies d’émancipation réprimée par le conservatisme ambiant, Tremblay en a pondu de bien meilleures (Sainte-Carmen de la Main, par exemple), mais ne boudons pas notre plaisir(même un texte ordinaire de Tremblay n’est pas exempt de passages délicieux, comme la découverte des joies du sexe par Pouce et Chaperon rouge!), cette proposition de Reynald Robinson avait tout pour séduire et réjouir un public.

D’abord un objet scénique (nous le disions plus haut) soigné jusque dans les moindres détails (ne pas oublier les très beaux costumes de Fannie Tremblay), surtout habité par une distribution talentueuse et entièrement dédiée, assumant pleinement, et avec un bonheur manifeste, ces personnages ridicules, excessifs, éperdus et désespérés.

Simon Dufresne (Poucet) Alexandra Gagné-Lavoie (Chaperon rouge), Camille Galarneau-Ricard (Cendrillon), Élizabeth Gauthier-Pelletier (Peau d’Âne), Laurianne Gingras-Saint-Aubin (Belle), Félix Lahaye (le Loup), Rachel Tara Marien (Carabosse) et Bastien Soubrié (le Prince) formaient donc cette troupe homogène et habile dans tous les aspects du jeu, du chant et de la danse (un savoureux pas de deux du Prince et du Loup, notamment!), qui a résolument pris possession des lieux, nous a accroché un grand sourire au visage et nous a collé au cerveau quelques airs à fredonner pour un temps.

Individuellement ou en chœur, les chansons étaient toujours bien amenées et efficacement rendues (c’était bel et bien le personnage qui s’exprimait), dans des numéros collectifs prévoyant des chorégraphies pas trop complexes, mais tout de même exécutées avec aisance, un aplomb qui s’affirmait avec une petite couche supplémentaire dans le numéro final, alors que les protagonistes, en plus de chanter, danser et jouer, participaient concrètement à la trame percussive. Un beau moment, une façon de boucler solidement un spectacle plutôt classique dans sa facture, mais qui a résolument atteint sa cible.