On en compte exactement quatorze (10 femmes, 4 hommes, une proportion somme toute standard dans les troupes de théâtre amateur) qui s’amusent ferme avec le texte de La Cantatrice chauve, la toute première pièce connue d’Eugène Ionesco, dont la production originale, mise en scène par Nicolas Bataille en 1950, avait connu un échec retentissant au théâtre des Noctambules, avant d’être reprise telle quelle, en 1957, au théâtre de la Huchette, à Paris. Elle y tient toujours l’affiche, d’ailleurs, ce qui, avec La Leçon, offerte en première partie, représente un record mondial de longévité pour une pièce présentée sans interruption dans le même théâtre.
La chose a frappé l’imaginaire de Roc Lafortune, lors d’un récent voyage à Paris, de telle sorte qu’en allant y voir de plus près, le monsieur a ressenti un véritable coup de foudre. «Ce n’est pas moi qui ai choisi la pièce, c’est plutôt elle qui m’a choisi» , exprime Roc Lafortune qui, après une première lecture, a décidé de proposer la chose à ses 14 étudiants et étudiantes, bien que la pièce ne compte que six personnages.
D’abord le texte
Tout est alors question de mise en scène, les comédiens s’engageant dans une sorte de course à relais où l’on devient tour à tour Monsieur ou Madame Smith, Monsieur ou Madame Martin, Mary la bonne et le Capitaine des pompiers. Que font-ils? Ils bavardent. Que disent-ils? À peu près rien. Et pourtant, on s’y reconnaît. On ressent leur malaise, on porte le poids de leurs silences hébétés, on s’enflamme pour leurs rares et spasmodiques éclairs de lucidité.
On les aime parce qu’ils sont comme nous, parce qu’ils font de leur mieux pour jouer le rôle modeste qui leur est dévolu dans la vie. Et on rit parce que tout cela devient tout à coup extrêmement drôle, parce que la langue de Ionesco est étrange, parce que les personnages sont bizarres, parce que la logique de ce qui nous est proposé nous semble tordue.
«Je voulais rendre hommage à Ionesco. C’est une pièce complètement absurde et loufoque à laquelle je voulais donner ma couleur» , indique le metteur en scène qui s’est inspiré de la production originale tout en y imprimant sa propre folie. «Je leur demande de déraper un peu plus, mais ça s’y prête très bien, dit-il en parlant de ses interprètes. Il n’y a pas de limite à cette pièce-là, et c’est ce que j’aime de Ionesco. Tu peux aller dans n’importe quel sens et ça va toujours être vrai. À la limite, le personnage principal, c’est le texte.»
Le plaisir de jouer
Et ce texte, il a été reçu avec enthousiasme par la troupe que nous avons vue en répétition, à la Maison Hamilton de Rosemère, là où se tiennent les Ateliers de jeu Roc Lafortune depuis deux ans, une initiative soutenue par la Municipalité mais offerte à quiconque veut plonger dans l’aventure.
On a évoqué la chose comme un coup de cœur collectif, on a parlé du plaisir de jouer et de travailler en groupe, de la passion contagieuse de Roc Lafortune comme de sa créativité, de l’ampleur du défi à relever. «Roc est un motivateur, quelqu’un qui sait où il s’en va, mais qui demeure à l’écoute de nos idées. Il insiste pour que nous ayons du plaisir et on en a vraiment» , confie l’une des interprètes.
Ce plaisir, il était résolument tangible, quelques minutes plus tard, quand la troupe s’est engagée à fond dans une répétition qui nous a donné la mesure de la folie qui règne sur cette aventure (on joue, on danse, on se permet de beaux dérapages contrôlés), avec un aplomb et une rigueur qui annoncent un spectacle solide, le samedi 11 mai à 20 h et le dimanche 12 mai à 14 h, au Centre communautaire de Rosemère sis au 202, chemin de la Grande-Côte.
Information et réservation: 450 621-3500, poste 7380.
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