Créée en 2014 à l’Espace Libre (Montréal), la pièce se présentait alors comme «un miroir grossissant de la suprématie de l’éditorial» et questionnait ce fameux droit à l’opinion qui permet de tout dire, sans aucune forme de retenue, jusqu’à se gratifier ultimement du droit à la persécution. On parle dès lors de «darwinisme social» , une notion introduite vers la fin du XIXe siècle par le sociologue anglais Herbert Spencer, qui préconisait notamment que «toute protection artificielle des faibles est un handicap pour le groupe social auquel ils appartiennent» .
De là, on peut établir les liens qu’on veut avec l’eugénisme, le fascisme ou le nazisme, la proposition théâtrale que l’on vous fait tient alors dans une série de monologues irrévérencieux, des prises de positions radicales qui s’adressent, prévient-on, à un public averti qui serait tout au mieux offusqué ou pire, en communion avec les propos qu’il entendrait, suggère-t-on. On a tous un «mononcle» comme ça, paraît-il.
Le contre-exemple
Pour ajouter un matériau à l’inconfort ambiant, on signale que les acteurs livreront parfois leur invective parmi les spectateurs, dans un copieux déversement de fiel… et de postillons! «Comme c’est un texte confrontant, on a vite abandonné l’idée de le livrer à l’italienne. On brise donc le quatrième mur et on mise sur la performance, la virtuosité de l’acteur qui devient le seul maître du rythme et qui aura à se démerder avec la réaction des spectateurs. Il y a beaucoup d’humour et d’ironie, dans le texte. Il y a toujours un deuxième degré. J’ai bien hâte de voir le choc des réactions entre le public averti et celui qui ne vient pas souvent au théâtre» , énonce Maxime Denommée.
«Chacun des personnages expose tout ce qui lui passe par la tête, sans aucun sens du discernement. L’auteur exprime la cruauté que chacun porte en lui et qui se dévoile au grand jour. Pas pour en faire l’apologie, mais pour la dénoncer en prêchant par le contre-exemple» , exprime-t-il avant de souligner la grande habileté de Jean-Philippe Baril Guérard à étoffer un propos dont la prémisse pourrait avoir un certain bon sens. C’est le dérapage progressif du discours qui vient alors créer le malaise. «On espère que ce malaise amènera un questionnement» , ajoute le metteur en scène.
Les concepteurs
La pièce sera présentée au studio Charles-Valois du Collège Lionel-Groulx que la scénographe Alexann Masse Fafard aura transformé, dit-elle, en une sorte de terrain de jeu pour les interprètes, en marge des codes traditionnels du théâtre. «Ce sera une installation de type musée, inspirée du deuxième monologue de la pièce qui traite de l’art et de la difficulté à se prononcer sur la beauté ou la laideur» , résume la conceptrice qui travaille main dans la main avec sa camarade des éclairages, Marianne Lapointe, qui fera baigner le tout dans une lumière blanche et froide, laquelle viendra de partout, notamment par les interstices du décor, dit-elle.
Aux costumes, Cédric Quenneville proposera une conception «sans concept» , c’est-à-dire qu’il s’est inspiré davantage des personnages pris individuellement, sans jamais chercher à illustrer ce qui les relie. «Maxime m’a demandé de m’inspirer de mon propre style» , résume-t-il.
À la conception sonore, Alexandre Lepage a pris au pied de la lettre la notion d’inconfort et indique avoir beaucoup travaillé avec les basses fréquences et les vibrations qui viendront accentuer le malaise chez le spectateur. Cet environnement sonore sera construit avec des sons non reconnaissables, justement pour éviter que le public ne puisse au besoin s’y appuyer pour reprendre son souffle. Le silence est aussi au nombre des matériaux privilégiés par le concepteur.
À noter que les billets sont en vente au Cabaret BMO Sainte-Thérèse, sis au 57, rue Turgeon, 450 434-4006. Achat en ligne: [http://www.odyscene.com].
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