«En raison de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur agricole, la présence au Québec des quelque 16 000 travailleurs étrangers temporaires (TET) en provenance du Mexique, du Guatemala et d’autres pays est essentielle à la filière agroalimentaire québécoise. Sans leur arrivée à partir du mois prochain, plus particulièrement dans le secteur horticole, la saison sera compromise», déclarait, quelques heures avant que Justin Trudeau annonce sa volte-face, le président général de l’Union des producteurs agricoles, Marcel Groleau.
Toutefois, après discussion avec Émilie Caron, directrice générale du Centre d’emploi agricole Laurentides-Outaouais, on réalise assez rapidement que les agriculteurs qui emploient des travailleurs étrangers ne sont pas sortis d’embarras pour autant.
«La partie est loin d’être gagnée! Je sais que les frontières de pays tel le Guatemala sont actuellement fermées. Est-ce que ces pays vont les laisser partir? Et du côté des travailleurs, voudront-ils laisser leur famille derrière en contexte de pandémie? Est-ce que la santé publique pourra faire venir de façon sécuritaire ces travailleurs? Est-ce que tous les employeurs seront capables d’assurer les mesures de sécurité?», se questionne Mme Caron, inquiète de la suite des choses, surtout que le 1er avril, pas moins de 1 500 travailleurs étrangers devaient fouler les champs des fermes des Basses-Laurentides.
Inquiétude dans les champs
Pascal Lecault est propriétaire de la ferme Vegibec à Oka. À l’été 2019, il avait embauché 224 travailleurs étrangers, la plupart originaires du Guatemala, pour planter laitue, brocoli, chou-fleur, etc., les récolter et s’affairer à d’autres travaux de la ferme. Il prévoyait d’ailleurs avoir besoin du même nombre cette année. Depuis 23 ans, M. Lecault emploie en moyenne 200 travailleurs étrangers par année. «J’en ai 10 d’arrivés, mais la grande majorité devait arriver vers le 15 avril et rester jusqu’au mois de novembre», indique M. Lecault qui craint une pénurie de main-d’œuvre si jamais celle-ci ne se pointe pas.
«C’est une main-d’œuvre indispensable, ajoute-t-il. Je vous mets au défi de me trouver deux Québécois qui voudront travailler dans les champs, et ce, même si les restaurants sont fermés et qu’il y a du monde disponible.»
Le travail de la ferme, en effet, en est un difficile qui nécessite de longues heures et de se pencher régulièrement.
«Ça prend des dos en spaghetti pratiquement. Ça prend des gars habitués à ce travail! Ces travailleurs étrangers sont le cœur de notre entreprise. Ce sont des employés exceptionnels!»
Pascal Lecault fait régulièrement le voyage au Guatemala pour aller lui-même recruter les travailleurs.
«Je suis encore allé au mois de décembre dernier. J’y vais pratiquement chaque année. J’ai des employés de l’extérieur qui travaillent ici depuis une vingtaine d’années.»
Les travailleurs étant habituellement logés sur la ferme, il pourrait être difficile pour n’importe quel employeur de respecter les consignes de sécurité émises par le gouvernement.
«C’est sûr que nous sommes inquiets, a conclu Pascal Lecault. Nous pensons que nous, producteurs maraîchers, offrons un service essentiel à la population canadienne. Si nous ne voulons pas être dépendants des États-Unis ou d’autres pays, et continuer de profiter de fruits et légumes à prix concurrentiels, nous avons besoin de ces travailleurs!»
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