logo journal nord-info
icon journal
Les municipalités peuvent-elles transiter vers l’économie sociale ?

Photo Reine Côté –

Des experts et acteurs de l’économie sociale réunis au Centre culturel et communautaire de Sainte-Thérèse pour une journée d’ateliers et de conférences sur le réemploi et la circularité.

Les municipalités peuvent-elles transiter vers l’économie sociale ?

Publié le 05/12/2025

Sainte-Thérèse a été l’hôte d’un événement provincial où l’économie sociale tenait la vedette de la journée et à lequel prenaient part différents citoyens, d’un peu partout et militant pour une économie circulaire, venus échanger sur le Réemploi au cœur du changement le 27 novembre, au Centre culturel et communautaire.

Animé par Stéphane Garneau et Évelyne Charuest, la journée proposait différents ateliers et conférences.

Parmi les activités populaires de la journée, un panel incluant cinq participants : Tricentris, Le Partage qui a ouvert une ressourcerie du Dix-30, un entrepreneur en déconstruction, Écoscéno, qui recycle le matériel de scènes, ainsi que Louis Kemp, qui est le président de l’Association des ressourceries du Québec et directeur général du Dépanne-tout, à Sainte-Thérèse.

Ce dernier est ressorti emballé par cet exercice ayant permis la fusion des idées et le partage de différentes initiatives directement liées à l’économie circulaire.

« J’ai adoré parce qu’on y transmet les bonnes façons de faire au public », a laissé savoir M. Kemp, qui estime que tous les types de ressourceries, petites comme faisant partie d’une chaîne, font œuvre utile. « On a tous des bonnes pratiques différentes, mais ça aide les gens », souligne-t-il.

Des chiffres dévoilés par les organisateurs de l’événement en toute fin de journée tendent à lui donner raison.

Il faut savoir que dans les Laurentides :  1 million d’articles abordables sont remis annuellement en circulation, près de 19 320 tonnes de biens ont été reçues tandis que 16 560 tonnes ont été détournées de l’enfouissement.

Le réemploi se chiffre également ainsi : 22 à 30 millions $ en retombées économiques réinvesties dans les collectivités, 2,5 M$ en coût d’élimination évités pour les municipalités et 20 500 visites, en moyenne, dans les ressourceries.

Et la transition municipale ?

Invité à titre de conférencier, l’urbaniste Jean-François L. Vachon, qui enseigne à la maîtrise en environnement de l’Université de Sherbrooke depuis 2014 est venu parler de circularité municipale. Environnementaliste depuis toujours, il dit s’y être particulièrement intéressé après avoir constaté l’impact de la ville linéaire sur l’environnement, notamment lors d’un séjour en Chine.

Le but ultime de sa conférence : faire comprendre les liens entre économie, écosystèmes et urbanisation, et comment ces expériences l’ont amené à promouvoir une approche circulaire en urbanisme.

L’urbaniste a aussi souligné l’importance d’adopter des plans stratégiques locaux et de s’inspirer de modèles comme la « Théorie du Beigne » de l’économiste Kate Raworth pour une ville durable, inclusive, et qui propose un cadre pour une économie du 21e siècle visant à satisfaire les besoins de tous sans dépasser les limites planétaires.

Pour M. L. Vachon, il est indéniable que le développement urbain linéaire actuel favorise la spéculation immobilière en haussant le coût des logements ainsi que leur indisponibilité et augmente en bout de ligne l’itinérance. Il rappelle que l’étalement urbain, tributaire du modèle linéaire, a aussi entraîné la destruction des sols naturels et agricoles, la surconsommation des ressources, la dépendance énergétique. Surtout que les infrastructures urbaines sont vieillissantes et nécessitent une révision de leur gestion, notamment en matière d’eau et d’énergie.

« Ce modèle consomme plus de territoire pour moins de personnes et contribue à la crise du logement et à la hausse des coûts fonciers », insiste-t-il.

Planifier, optimiser, réhabiliter

Il propose aux municipalités d’établir des plans stratégiques pour répondre aux besoins des plus vulnérables et d’envisager la nécessité de rénover et d’optimiser l’existant pour offrir des logements abordables. Réhabiliter l’existant, un terme qui revient souvent dans le discours du conférencier.

Aux villes souhaitant se tourner vers une économie circulaire, pour en faciliter son application, il recommande de réviser les règlements municipaux, notamment sur le réemploi et la décarbonation, de favoriser la mutualisation et l’innovation et d’impliquer tous les acteurs (urbanistes, citoyens, institutions) dans la transformation urbaine. Il insiste sur l’importance de la planification participative et de l’amour pour la ville et ses habitants.

Jean-François L. Vachon estime tout à fait possible de faire un tel virage en priorisant le redéveloppement des espaces inutilisés, en protégeant les milieux naturels, en optimisant l’utilisation des infrastructures, puis en impliquant les citoyens dans la planification.

Une planification qui doit faire appel à la mobilisation collective : urbanistes, citoyens, décideurs doivent travailler ensemble pour transformer la ville.

À titre d’exemple de projet réussi, il cite celui de Cap-aux-Meules aux Îles-de-la-Madeleine, où un espace minéralisé a été redéveloppé en centre-ville avec micro-réseau énergétique, logements adaptés et implication de multiples partenaires, ce qui démontre la faisabilité d’une approche circulaire bien intégrée.

En message final, il encourage à croire en la planification, à participer activement aux processus de réaménagement et à intégrer les principes de circularité dans tous les projets urbains. Il lance un appel aux citoyens et décideurs de ne pas laisser les urbanistes seuls face à ces défis et à travailler collectivement pour une ville plus durable et inclusive.