Menacé de tarifs douaniers sur l’importation de matières premières indispensables à la fabrication de ses médicaments, les fameux « intrants », le Groupe pharmaceutique Duchesnay semble pour le moment avoir évité le pire. L’application tarifaire touchant l’industrie pharmaceutique et prévue le 2 avril a été épargnée. Du moins pour le moment.
Il s’agit d’une bonne nouvelle pour le Groupe Duchesnay qui estimait une perte de revenus de 5 millions de dollars, rien que pour les « intrants», advenant l’imposition de tarifs de 25 %.
Le flair Duchesnay
Plus encore, la direction de l’entreprise, qui a son siège social à Blainville, a eu un flair incroyable en décembre dernier. Dans son plan de développement stratégique, l’entreprise pharmaceutique avait prévu un Plan B, advenant l’élection du célèbre républicain.
En apprenant le retour de Donald Trump aux commandes des États-Unis, le président du Groupe Duchesnay, Éric Gervais, a pressenti l’instabilité qui accompagnerait le second mandat du controversé locataire de la Maison-Blanche.
Avec son équipe, il a ainsi eu l’idée d’expédier à destination de leur filiale américaine de Princeton, au New Jersey, du matériel pour les 12 mois à venir. De quoi faire front devant l’imprévisibilité du président américain.
« Quand on a vu que Trump avait gagné les élections, on ne savait pas du tout que Trump était pour charger des tarifs sur les produits pharmaceutiques. On n’y croyait pas. Mais je me suis dit, comme plan B – parce qu’on aime toujours avoir un plan B et C -, on s’est dit : « on va produire un an de médicaments qu’on va envoyer aux États-Unis, avant que Trump soit inauguré le 20 janvier, juste au cas où qu’il le fasse.» Ça fait que nous, notre équipe de production, on a travaillé très, très fort. On a tout envoyé dans nos entrepôts aux États-Unis. On a envoyé nos médicaments », confie le président du Groupe, Éric Gervais, qui avoue tout de même avoir eu un choc en apprenant les mesures d’imposition tarifaires auxquelles songeait M. Trump.
Bien qu’aucune tarification ne touche encore l’industrie pharmaceutique, rien ne garantit cependant que le président Trump ne changera pas d’idée.
« Notre matériel est déjà rendu. On a pu envoyer pour un an de stock. Pour nos revenus 2025, on ne sera pas affecté. Ceci dit, on risque quand même un certain impact avec les intrants qu’on achète, la matière première qu’on n’est pas capable de fabriquer. Puis là, la question, c’est à savoir, ça va être quoi les tarifs qui vont être chargés, les contre-tarifs canadiens. J’ai vraiment confiance au gouvernement canadien et québécois, qui ne vont pas mettre des contre-tarifs sur des matières premières, qu’on se sert pour fabriquer les médicaments. »
Miser sur la diversification
Jusqu’à tout récemment, le territoire américain représentait autour de 45 % des parts de marché de Duchesnay. Aujourd’hui, leur marché se répartit ainsi : un tiers américain, un tiers canadien et un autre tiers ailleurs dans le monde. Car le groupe pharmaceutique s’est grandement diversifié depuis. Il exporte dans plusieurs pays.
Le Groupe Duchesnay n’a pas ménagé ses efforts pour développer ses marchés. Au cours des dernières années, il s’est tourné vers l’Angleterre, Singapour, Israël, la Corée du Sud, la France, la Pologne, l’Allemagne et le Mexique, pour ne nommer que ceux-là. Et la liste s’est allongée depuis les deux dernières années, ce qui lui sauve la mise face aux risques d’être imposé plus tard par Washington.
« Depuis 2022, c’est la folie furieuse. On a eu plusieurs approbations (de médicaments) dans plusieurs pays. En ce moment, nous vendons maintenant dans 46 pays et les ventes augmentent partout dans le monde. Cette diversification-là est due au fait que lorsqu’on invente un médicament ici au Québec, on veut l’offrir à plus de personnes possibles dans le monde. On n’invente pas des médicaments juste pour le Canada, c’est pour les exporter. C’est donc naturel pour nous d’avoir une diversification. Mais aujourd’hui, cette diversification nous aide énormément », lance le président du Groupe Duchesnay, visionnaire à sa façon, bien qu’il s’en défende.
« On va se le dire : on ne s’est pas levé un matin pour travailler là-dessus. La diversification de tous nos marchés d’exportation, ça fait des années qu’on y travaille. »
Multinationale en pleine expansion
Il faut savoir que le Groupe pharmaceutique se déploie en six sociétés pharmaceutiques qui répondent aux besoins des patients au Canada, aux États-Unis et à l’étranger. Les entreprises qui le forment sont : Duchesnay (Canada) et Duchesnay USA, qui se consacrent toutes deux à la santé des femmes ; Médunik Canada et Medunik USA, qui fournissent des traitements pour les maladies rares et invalidantes ; et Analog Pharma Canada et Analog Pharma, qui se spécialisent dans les médicaments génériques orphelins.
Le Groupe a diversifié ses produits, mais aussi ses spécialisations. Actuellement, on cible un traitement pour le cancer du sein et un traitement pour le cancer du cerveau. Aucune recherche n’est faite par le Groupe, qui préfère établir des partenariats avec les établissements universitaires pour ce volet. Le Groupe Duchesnay fait notamment appel aux équipes de chercheurs de l’Université de Toronto et de University Rockfeller de New York pour les médicaments pour femmes enceintes.
L’an dernier, Medunik a investi dans la recherche pour développer un traitement contre la sclérose en plaques.
En 2022, l’entreprise pharmaceutique de Blainville a lancé une série de quatre contraceptifs en plus d’un traitement postménopause. Un exploit dans le milieu médical, souligne M. Gervais. Avant cela, c’est le Bunjesta, une version améliorée du Diclectin, son médicament vedette, qui a été approuvé et est depuis disponible dans plusieurs pays.
Au Québec, le Groupe Duchesnay fait travailler quelque 120 employés et en recrute encore. « Parce qu’on a une augmentation de production qu’il faut faire pour réussir à fournir tous les marchés étrangers », souligne M. Gervais, face à ce bienheureux problème.
Maître chez nous
Aujourd’hui, la stratégie de développement des marchés rapporte au Groupe Duchesnay et le président Gervais en est bien fier. « On crée de la richesse ici au Québec parce que ce sont nos inventions qu’on a brevetées à travers le monde qui sont fabriquées ici à Blainville.
« Aujourd’hui, toute notre stratégie de diversification, créée de longue haleine, on en bénéficie. Et puis, ça va nous amener des revenus stables. Et ça, j’en suis vraiment content.
Lors de l’entrevue réalisée avant le 2 avril, M. Gervais affirmait ne pas être inquiété plus qu’il ne le faut par la guerre tarifaire, qui n’a pas encore inclus l’industrie pharmaceutique.
« Tout ce que je peux vous dire, c’est que je n’ai aucune intention, de transférer la maison mère aux États-Unis. « Je n’ai aucune intention de transférer la fabrication de nos médicaments aux États-Unis. »
« On veut demeurer maître chez nous et continuer de fabriquer ici », tient à spécifier le président Éric Gervais, qui tient à garder le siège social de la multinationale à Blainville. Et il y tient.
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