De nature discrète et modeste, c’est son frère, Jean Marc Malboeuf, qui a pris la peine de communiquer avec La Voix avant que ce petit commerce, emblématique de Bois-des-Filion, diraient certains, ne disparaisse pas dans l’indifférence.
Une vie à la papeterie
Lorsqu’on lui demande ce qu’il retient le plus de toutes ces années, le sympathique verbomoteur esquisse un sourire et commence par énumérer les nombreux petits boulots qui ont jalonné sa vie avant le rachat du commerce en 1997. « Je n’ai jamais eu de gros jobs. Je passais d’un emploi à un autre, ça durait sept ans à peu près, puis je changeais. J’ai touché à tout, de la conduite aux assurances, en passant par la comptabilité et même un magasin de chasse et pêche. Ce n’était pas prévu, mais quand j’ai vu que la Papeterie Chapleau était à vendre, je me suis dit pourquoi pas. J’avais besoin d’une stabilité. », raconte Daniel.
Rapidement, il glisse vers des souvenirs plus chaleureux : les personnes qui ont marqué son parcours, comme Marlène Lelière, sa gérante dévouée pendant 23 ans, ou encore Joanne Demers, son assistante gérante toujours impeccable avec la clientèle. Daniel évoque aussi les choix qu’il a dû faire pour maintenir son commerce à flot : à commencer par agrandir son local, puis prendre en charge un comptoir de distribution Sears, ou encore vendre des chocolats Giacomo.
Mais ce sont surtout les familles qu’il retient. « J’ai vu des enfants grandir ici, et maintenant, ils reviennent avec leurs propres enfants », raconte-t-il, visiblement fier d’avoir été témoin de ces générations qui se succèdent.
Celui qui se décrit comme un pragmatique à toute épreuve reconnaît être moins sentimental que son frère, qui aurait probablement la larme à l’œil en fermant les portes pour la dernière fois. « Moi, je ne pleurerai pas. J’ai fait ce que j’avais à faire. Maintenant, c’est l’heure de fermer. Dommage de ne pas avoir trouvé de relève, mais j’ai hâte à un repos bien mérité », confie-t-il avec simplicité.
Le sort des petits commerces
Alors que le commerce de proximité connaît un regain de popularité, la fermeture de la Papeterie Chapleau soulève une question : quel sort réserve-t-on à ces petites entreprises qui ne cherchent pas la croissance, mais qui animent nos communautés? « On paie deux parts à la Régie des rentes, comme employé et employeur, mais on n’est pas vraiment récompensé pour ça », souligne Daniel, illustrant le peu de reconnaissance accordé à ceux qui, comme lui, choisissent de rester à échelle humaine.
Sur un ton trahissant une certaine inquiétude pour sa retraite, Daniel relativise : « Je n’aurai pas les moyens de partir en Floride ou de faire de grands voyages, mais je vais enfin pouvoir m’arrêter et profiter des petites choses : mon piano, mon terrain, et un peu de repos. » Après des années à jongler avec les responsabilités financières et les imprévus du commerce, il avoue : « Ce que je peux dire, je suis tanné de la responsabilité financière. »
Pour l’instant, il reste encore un peu d’inventaire à écouler dans son commerce. Chaque dollar récupéré d’ici la fermeture sera un pas de plus vers une retraite plus sereine. La Papeterie Chapleau restera ouverte pour quelques semaines encore, mais la fermeture sera officielle lorsque le bail de 15 ans signé par M. Malboeuf en 2010 viendra à échéance le au tournant de 2025.
Une fermeture marquée par l’émotion
Au terme de l’entretien, une émotion inattendue a gagné Daniel Malboeuf. Un instant de fragilité a traversé son regard, et sa voix l’ayant abandonné momentanément, le força à dire au revoir avec son regard.
À l’extérieur, l’enseigne lumineuse « Ouvert » était allumée, un dernier clin d’œil à tout ce que ce commerce a représenté pour Bois-des-Filion. Le 31 décembre à minuit, lorsque viendra le temps de souhaiter la bonne année, il sera difficile de ne pas penser à Daniel et à ce qu’il laisse derrière lui.
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