Le texte de Jean-François Nadeau, mis en scène par Philippe Lambert, nous propose un contenu des plus actuels dans un contenant plutôt original. Sylvain Primeau est directeur de la division des sacs de plastique chez Superplast et un véritable bourreau de travail. Mais en ces temps où la conscience écologique de la société est sollicitée de toutes parts, celui-ci voit son poste menacé. Son cousin et patron, l’agressif Richard, lui impose alors un ultimatum: il doit, en deux jours seulement, trouver une stratégie pour relancer la consommation de sacs de plastique afin de sauver son emploi. Sa recherche de la solution miracle le mènera plutôt sur le chemin de l’amour et de la rédemption, mais pas sans prendre de singuliers détours…
Une introduction à la manière d’une émission de radio plutôt racoleuse donne le ton à la soirée, avec son savoureux texte teinté d’absurde. La première partie, très rythmée, se déroule surtout sous le signe de débats environnementaux, en opposition à la féroce lutte des marchés et à la manipulation du consommateur par le marketing. On y rencontre d’abord Sylvain, à qui Sébastien Gauthier insuffle ce qu’il faut de suffisance et de brusquerie, mais également de sympathie, puis un Richard (Luc Bourgeois) à bout de nerfs, colérique et… hilarant. Tout comme l’est d’ailleurs son personnage de l’homme à tout faire philosophe et même peut-être un peu magicien. Mélanie St-Laurent y incarne quant à elle la jeune et ambitieuse Mélanie, avec la dureté qui convient, alors que Louise Cardinal fait mouche avec ses multiples apparitions, d’abord en serveuse maladroite, puis dans la peau de Sophie, la fille en détresse de Sylvain, et enfin dans celle du bébé ours, qui apparaît à Sylvain alors qu’il est sujet à d’étranges maux de tête.
Le décor, constitué de panneaux mobiles, nous transporte, au son de la superbe et mystérieuse musique originale de Jean-François Pedno, du terrain de golf à la chambre d’hôtel, de la salle de bain des hommes à l’appartement de Sophie, du restaurant à la tanière des trois ours. Car oui, les trois ours, les mêmes que ceux de Boucle d’or, sont de la partie, alors que la seconde moitié de la pièce prend des allures de conte un peu tordu! Ainsi, Sylvain s’immisce dans la vie quotidienne de cette famille d’ours plutôt mal léchés et finira, malgré les difficultés de communication, par tisser avec eux des liens cordiaux, voire amicaux. Le jeu physique des trois ours (Luc Bourgeois, Mélanie St-Laurent et Louise Cardinal) est excellent, et leurs réparties, d’un comique sarcastique et efficace. C’est à l’instar du jeune Amérindien à la recherche de son animal totem que Sylvain finira par avoir une sorte d’illumination qui le plongera dans un état de béatitude d’un ridicule exquis. Mais qui, sous le couvert de la comédie, lui fera aussi reprendre contact avec lui-même et ses vraies valeurs, à reconsidérer ses agissements envers sa fille et sa planète.