« Annie Laverdière et sa collègue Vicky Dessureault m’ont sauvé, confie-t-il avec émotion. Elles m’ont redonné une vie normale. Je veux que leur travail soit connu. Elles sont devenues une famille. »
Un métier rare, un impact immense
Peu connu du grand public, le travail des épithésistes est pourtant essentiel. Elles fabriquent des prothèses faciales sur mesure pour des patients ayant perdu une partie de leur visage à la suite d’un cancer, d’un accident ou d’une anomalie congénitale. Ce métier unique allie précision technique, sens artistique et empathie.
Au CHU de Québec, ce service unique est logé au Centre intégré de cancérologie. Il a vu le jour dans les années 1990 sous l’impulsion du Dr Gaston Bernier. « Tout est parti d’un patient atteint d’un cancer du nez. Il souffrait tellement qu’il avait confié ne pas vouloir se réveiller s’il ne pouvait avoir de prothèse », relate Annie Laverdière. Ce cas a été un déclic.
Avec l’aide de Louise Desmeules, une assistante dentaire minutieuse, les premières prothèses faciales en silicone médicale ont vu le jour. Louise est ainsi devenue, en 2003, la toute première épithésiste reconnue au Québec.


Un processus en trois étapes, tout en finesse
Aujourd’hui, Annie Laverdière et Vicky Dessureault perpétuent cette expertise. Tout commence par une consultation privée. L’objectif : visualiser le défaut, analyser la musculature du visage, et proposer la méthode la plus adaptée.
Trois options s’offrent alors au patient :
- Une prothèse adhésive, appliquée chaque jour avec de la colle médicale.
- Une prothèse montée sur lunettes, idéale pour les patients ayant moins de dextérité, comme celle portée par M. Delage.
- Une prothèse magnétique avec implants, plus durable et facile d’entretien.
Peu importe la méthode, toutes les prothèses sont harmonisées au teint et aux traits du patient, pour un résultat naturel et discret.
Le patient séjourne cinq jours à l’hôtellerie de l’hôpital. Chaque pièce est moulée, sculptée à la cire d’abeille en présence du patient, puis reproduite en silicone coloré à la main. « Les épithésistes sont des artistes, et nos visages sont leur toile », image joliment un patient. La prothèse est remise dès le quatrième jour, et un contrôle de qualité est effectué avant le départ.

Une vocation née d’un croisement de chemins
Le parcours d’Annie et de Vicky illustre bien la singularité de ce métier. Ancienne technologue en radio-oncologie, Annie découvre le service d’épithèse en 2002 grâce à Louise Desmeules, et y entre en poste dix ans plus tard. Vicky, quant à elle, était ébéniste d’art. Une blessure l’amène à se réorienter vers les orthèses-prothèses, inspirée par sa rencontre avec Louise.
« Ce qui nous unit, c’est notre passion pour le bien-être des patients. On prend chaque personne sous notre aile », résume Annie. « C’est un métier dont la paye humaine est énorme. »
Un service fragile… mais essentiel
Il n’existe à ce jour aucun titre d’emploi officiel pour les épithésistes ni de parcours scolaire structuré. Pourtant, leur impact est immense. Grâce à l’engagement du CHU de Québec, le service a pu s’intégrer au programme d’oncologie, malgré les contraintes réglementaires du réseau de la santé. Et les patients, parfois venus de très loin, peuvent bénéficier d’un accompagnement unique.
Pour M. Delage, comme pour tant d’autres, cette prothèse représente bien plus qu’un outil médical. C’est la possibilité de se reconstruire, d’exister pleinement — une seconde vie.
MOTS-CLÉS
Henri Delage