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Changer son propre regard pour changer celui des autres

Photo courtoisie –

Jacynthe Prince, élue à 26 ans, incarne une nouvelle génération de leaders engagés.

Changer son propre regard pour changer celui des autres

Publié le 09/03/2025

Quand Jacynthe Prince a décidé de plonger dans l’arène politique municipale, elle ne s’y voyait pas.

Ce monde lui semblait opaque, réservé à d’autres, loin de ses préoccupations et de son parcours. Trois ans plus tard, elle y est non seulement bien ancrée, mais elle incarne un vent de renouveau dans sa communauté.

Élue à 26 ans comme conseillère municipale à Sainte-Thérèse, elle ne venait pas du sérail politique traditionnel. Son environnement familial et social ne la prédestinait pas à cette voie, et la politique ne faisait pas partie des discussions à la maison. « Je ne m’y intéressais pas parce que, plus jeune, je voyais surtout les scandales et les confrontations aux nouvelles. L’image des politiciens était négative. » Pourtant, une opportunité s’est présentée, et après réflexion et encouragements, elle a osé se lancer. « Ça a été la meilleure décision de ma vie », dit-elle aujourd’hui, passionnée par son rôle et l’impact qu’elle peut avoir sur les dossiers qui lui tiennent à cœur.

Une force héritée de sa mère

Si Jacynthe a trouvé la confiance nécessaire pour prendre sa place, c’est en grande partie grâce à sa mère, qui lui a transmis une précieuse leçon : ne pas accorder trop d’importance au regard des autres. « Même depuis l’au-delà, elle continue de m’inspirer chaque jour. » Elle rend également hommage à sa grand-mère adoptive, Marjolaine Hébert Dansereau, qui a su insuffler à sa mère cette même force et bienveillance.

« C’est en observant ma mère, son dynamisme, sa capacité à s’affirmer sans jamais se laisser intimider, que j’ai développé ma propre voix. Elle demeure mon modèle de bienveillance, et j’essaie d’incarner cette qualité au quotidien, tant dans ma vie personnelle que professionnelle. »

Un engagement viscéral

Si Jacynthe Prince s’est engagée en politique, c’est avant tout pour défendre les plus vulnérables. Elle a rapidement trouvé sa place dans des causes qui touchent la pauvreté, la précarité et l’itinérance. Elle siège notamment sur le comité Sécurité et Mieux-être de sa ville, où elle collabore avec divers organismes communautaires. Son engagement l’a menée à participer aux États généraux sur l’itinérance, une expérience marquante qui a nourri son action sur le terrain. « J’ai découvert des initiatives inspirantes, comme TAPAJ, un programme de travail alternatif payé à la journée. Ce modèle m’a fascinée, et j’aimerais voir s’il pourrait être implanté ici. »

Elle est aussi particulièrement sensible à la réalité de l’itinérance invisible, une problématique qui touche un grand nombre de femmes, souvent absentes des statistiques officielles. « Beaucoup trouvent refuge temporairement chez quelqu’un, mais dans des conditions précaires, parfois dangereuses. Ce sont des situations que j’ai vues de près. » Sa capacité à comprendre ces enjeux de l’intérieur nourrit sa détermination à changer les choses.

Créer un environnement respectueux pour les femmes

L’univers politique reste un milieu exigeant, où le respect n’est pas toujours au rendez-vous. « Il faut être fait fort pour faire de la politique, m’a-t-on souvent dit. Mais je crois profondément que la sensibilité est tout aussi essentielle que la force. Il faut des personnes capables d’écouter, de comprendre et de faire preuve d’empathie. »

Souffrant du syndrome de l’imposteur au moment de faire ses premiers pas en politique, elle s’est vite rendu compte que l’habit ne fait pas le moine. « J’ai été élue à 26 ans. Arriver dans un monde d’adultes m’effrayait beaucoup, mais au fil des rencontres […] constater le manque de respect a finalement diminué mon sentiment d’impuissance. J’ai vu que j’avais quelque chose à apporter », confie-t-elle. Et ce ne sont pas que des paroles. « Ayant moi-même été confrontée à des propos déplacés, ce qui m’a poussée à dénoncer publiquement la situation. Au-delà de mon expérience personnelle, je suis convaincue qu’il est essentiel de bâtir un milieu bienveillant, que ce soit en politique, en éducation ou ailleurs ».

À l’aube de la trentaine, Jacynthe Prince jongle avec plusieurs responsabilités. En plus de son rôle de conseillère, elle dirige une entreprise d’aménagement paysager et enseigne l’administration des affaires au cégep. Un équilibre parfois précaire, mais qu’elle assume pleinement. « Mon rôle d’enseignante me permet de semer chaque jour des graines d’ambition chez les femmes, pour qu’elles deviennent les leaders de demain […] J’aimerais dire à chaque personne qui lira ce texte de croire en elles-mêmes, même lorsque le chemin semble difficile ou impossible. Chaque voix compte, et il est essentiel de prendre sa place, de défendre ses idées et de ne jamais laisser quiconque les diminuer. »