Métissant la gestuelle percussive et rapide de la gigue au vocabulaire plus fluide et ample de la danse contemporaine, les créateurs de Rapaillé ont ainsi généré un langage unique et intéressant pour nous transporter dans l’univers de Gaston Miron, dont les textes sont lus par Pierre Lebeau. Évoluant dans un décor organique tout à fait à l’image de la troupe, les interprètes traduisent avec émotion la poésie cadencée, accompagnés par deux musiciens qui prennent aussi part à l’action. En nous racontant l’histoire des saisons, les danseurs célèbrent dans un même temps la vie, l’existence humaine dans toutes ses dimensions. La nature est omniprésente, dans l’habillage scénique comme dans l’environnement sonore, et le tout semble respirer en harmonie avec leurs mouvements.
Suivant le prologue évoquant un mystérieux voyage, un printemps synonyme de renouveau et d’espoir prend vie devant nos yeux. Au son de La marche à l’amour, les amoureux ne se quittent pas des yeux, complices. Des couples se font, se défont, s’étreignent. Le violon se fait mélancolique et beau dans un très lent fondu au noir qui marquera le passage vers l’été.
Une jolie naïade entre alors en scène, dansant comme dans de l’eau, jouant, nageant. Sous le chaud soleil, elle observera les jeux de l’amour et de la séduction, les plaisirs de la belle saison jusqu’à l’orage imprévu…
L’automne de Zogma se fait sombre et troublant, illustration de mort et de folie, les danseurs se métamorphosant en une camisole de force humaine ou en une sorte de pantin manipulé. Un suicidé gît sur le sol, on danse au-dessus et autour de lui, car la vie continue malgré tout, malgré la mort inévitable pour tous…
Mais l’on retrouve la force de combattre avec Séquence, présentée dans un heureux mélange de hip-hop et de gigue. C’est l’hiver, le mouvement se fait rapide, grelottant et frais, mêlé de glisses. C’est un hiver plutôt joyeux, n’évoquant ni le froid ni la désolation, mais plutôt la beauté des paysages enneigés. L’épilogue se veut une véritable célébration, rythmée et festive. Les interprètes aux pieds agiles sourient inlassablement alors que les spectateurs se lèvent spontanément pour une ovation chaleureuse.
Avec Rapaillé, la compagnie Zogma rend un vibrant hommage à ce grand poète qu’est Gaston Miron. Se servant de sa prose à la musicalité indiscutable et au rythme percussif comme matériau de base, les chorégraphes et danseurs Dominic Desrochers et Frédérique-Annie Robitaille ont su créer une œuvre différente et rafraîchissante, nous reconnectant avec notre folklore. Organique et vivant, Rapaillé est une vraie fête pour les yeux et les oreilles, à laquelle nous sommes de nouveau conviés les 26 et 27 mars prochain au Gésù, salle qui fut le théâtre, le 27 mars 1970, de la mythique Nuit de la poésie…