Impossible de s’y tromper, nous sommes bel et bien au théâtre, en train de nous faire raconter une histoire: la scène est dépouillée d’artifices, les maisons des protagonistes sont dépourvues de murs. Les indications scéniques sont lues à haute voix, les personnages interpellent les manipulateurs de consoles ou attendent sagement leur tour sur des chaises disposées à jardin. Ils s’emparent parfois d’un micro pour s’adresser directement au public, lui livrant ainsi leurs secrets, leurs visions des choses, leurs réflexions. On est ainsi témoin des transformations psychologiques de ces attachants personnages, qui s’illustrent aussi par de nouvelles attitudes physiques, on a accès à leur imagination, leurs pensées intimes.
Il y a d’abord le personnage central de Mathilda (Émilie Bibeau), jeune femme de ménage brésilienne à qui «faire le ménage rend triste» et qui rêve d’être humoriste, consacrant ses temps libres à la recherche de la blague parfaite. Elle travaille pour Lane (Monique Spazianni) et Charles (Michel Laperrière), couple de médecins en apparence parfait, mais dont la vie sera chamboulée par l’arrivée de cette Ana (Patricia Nolin) pleine de mystère, patiente mourante de Charles qui se révélera son âme sœur…
Cette séparation laissera l’orgueilleuse Lane désœuvrée et amère, tandis que Charles flotte sur un nuage. Virginia (Hélène Mercier), sœur névrosée de Lane désespérément à la recherche d’une «tâche», séjournera elle aussi dans cette Maison propre, faisant compulsivement le ménage à la place de Mathilda pour combler sa vie qu’elle juge trop vide.
Mathilda est le lien entre tous ces personnages. Sa candeur, sa spontanéité et sa philosophie bien particulière la rendent attachante et apaisante malgré son exubérance. Autour d’elle, tout semble aller mieux. Les sœurs se réconcilieront, Virginia trouvera enfin une tâche, Lane soignera et aimera Ana. Dans Une maison propre, l’humour est omniprésent malgré la mort qui rôde, des personnages tels que la tonitruante et hilarante Virginia allégeant une atmosphère qui pourrait devenir lourde. Mais qui ne le devient jamais, grâce à l’écriture habile de Sarah Ruhl (brillamment traduite par Fanny Britt), et à la mise en scène qui empêche tout épanchement mélodramatique, misant plutôt sur la tendresse et l’humour. À la fois drôle et touchante, cette Maison propre recèle de lumineux secrets, des pistes de réflexion inspirantes sur la vie, la mort, l’amour, le pouvoir du rire.