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Basket, études, leadership : la triple menace d’Audrey Méthot

Photo Dany Baribeau –

Seule femme à diriger une équipe masculine dans le réseau collégial québécois, l’entraîneure-chef des Nordiques de Lionel-Groulx, Audrey Methot, pose dans le gymnase où elle bâtit, un entraînement à la fois, bien plus qu’un programme de basketball : une culture de dépassement et de solidarité.

Basket, études, leadership : la triple menace d’Audrey Méthot

Publié le 22/04/2025

C’est la seule femme à la tête d’une équipe masculine dans le réseau collégial québécois. Et pas n’importe laquelle : les Nordiques de Lionel-Groulx, qui ont terminé leur saison avec une fiche de 7 victoires et 9 défaites, après une élimination crève-cœur en quart de finale contre les futurs champions, les Griffons de l’Outaouais.

Audrey, issue d’une famille de basketteurs et formée à l’UQAM, a un CV solide comme le béton des gymnases qu’elle parcourt depuis l’enfance. Et elle a choisi de faire sa place là où peu de femmes osent encore se tenir : debout, première chaise, à diriger un vestiaire masculin. Mais cette fiche et ce pedigree ne représentent qu’une infime partie de ce que la leader des Nordiques peut apporter à une équipe… et à un collège.

Pour Audrey Méthot, entraîner ne se résume pas à dessiner des jeux sur un tableau effaçable. C’est d’abord une affaire de cœur, de présence et d’écoute. « Je ne veux pas juste former des joueurs, je veux accompagner des humains », dit-elle sans détour. Leader exigeante, mais accessible, elle a instauré des périodes d’étude obligatoires avant chaque entraînement, s’assoit avec ses gars, les aide à s’organiser, les pousse à rêver plus grand. Le terrain n’est qu’un point de départ : ce qu’elle bâtit, c’est une culture de respect, de discipline et d’empathie.

Son initiative ne se mesure pas qu’en beaux discours. Elle porte ses fruits, concrètement. Audrey raconte avec fierté l’histoire d’un de ses joueurs qui, à son arrivée au collège, semblait loin de la ligne d’arrivée. « On se disait : s’il finit avec un DEC, ce sera un miracle. » Deux ans plus tard, ce même étudiant-athlète a non seulement terminé son parcours collégial, mais il a reçu deux offres universitaires pour poursuivre son cheminement académique et sportif. « Ce n’est pas qu’ils ne sont pas brillants, dit-elle. C’est qu’on ne leur a jamais montré comment s’organiser. »

Cette volonté de guider ses joueurs vers le succès ne sort pas de nulle part. Audrey connaît la route. Elle l’a elle-même arpentée, souvent à contre-courant. Après un DEC en sciences de la nature, elle a poursuivi en biologie à l’UQAM, jonglant avec ses études et sa carrière universitaire comme joueuse pour les Citadins. Une expérience exigeante, formatrice, parfois éprouvante. « Je rentrais chez moi à 22h30 après la muscu, la piscine, les pratiques. Puis j’ouvrais mes livres. »

Aujourd’hui, elle touche au but d’un rêve de jeunesse : compléter une maîtrise en immunologie à l’INRS. Un projet lancé presque sur un coup de tête, après une rencontre fortuite avec un chercheur dans un resto où elle travaillait. « Il m’a dit : “Si un jour tu veux faire une maîtrise, appelle-moi.” Je l’ai pris au mot. »

Ce parcours universitaire, elle l’a traversé avec les armes que le sport lui avait forgées : discipline, structure et esprit d’équipe. « J’ai vu la différence tout de suite. À l’université, certains galéraient à monter un travail d’équipe. Moi, c’était instinctif. » Le basket l’avait déjà préparée à ça : arriver à l’heure, respecter l’autorité, travailler avec les autres, s’ajuster au rythme du groupe. Et quand il a fallu concilier cinq entraînements par semaine, la muscu, les matchs et les cours, elle l’a fait. Sans compromis.

Mais être une bonne coéquipière ne suffit pas quand on devient la voix principale. Audrey a rapidement compris que le passage d’assistante à entraîneure-chef demandait un réajustement. « Tu ne peux pas rester aussi proche de tes joueurs. Tu dois tracer une ligne claire, parce que c’est toi qui prends les décisions. » Ce changement de posture, elle l’a abordé sans renier ce qui la définit : sa capacité à écouter, à comprendre, à inspirer. Elle garde ce lien humain avec ses joueurs, tout en assumant pleinement l’autorité du rôle. « Je veux qu’ils sachent qu’ils peuvent venir me parler… mais qu’ils sachent aussi que je suis la coach. »

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Être la seule femme à la barre d’une équipe masculine au collégial, elle ne le prend pas à la légère. Audrey sait qu’elle bouscule des repères. Elle le sent parfois dans le regard surpris d’un arbitre ou dans la question déplacée : « C’est qui le coach? » alors qu’elle est debout, première chaise. Mais elle ne s’en formalise pas. « Je ne suis pas là pour prouver que les femmes peuvent coacher des gars. Je suis là parce que j’ai les compétences, la passion et l’engagement. »
Elle apprécie de participer à briser des plafonds de verre, bien sûr. Mais ce n’est pas son combat principal. Ce qu’elle veut, c’est bâtir un programme solide, faire progresser ses joueurs comme athlètes et comme hommes. « Mon but, ce n’est pas d’être une exception. C’est de faire du bon travail, point. »

Sa vision du coaching dépasse largement les schémas tactiques. Audrey parle de discipline, oui — une exigence qu’elle incarne au quotidien — mais toujours teintée d’empathie. « Tu peux pousser un joueur sans l’écraser. Tu peux être exigeante et humaine. » Elle veut que ses gars performent, mais surtout qu’ils se sentent vus, entendus, compris. La santé mentale, souvent taboue dans le sport masculin, fait partie de ses priorités. « Moi, je veux qu’ils sachent qu’ils ont le droit de ne pas aller bien. Qu’ils peuvent en parler. »

Le mot-clé chez elle, c’est « famille ». Peu importe leur temps de jeu, leur moyenne ou leur avenir sportif, chaque joueur doit sentir qu’il a sa place. « Je leur impose des choses, je les pousse… mais jamais au détriment de ce qu’ils sont. »

Ce qu’elle bâtit avec les Nordiques, Audrey le rêve aussi à plus grande échelle. En 2022, avec son conjoint et assistant-coach Billy Allaire-SainVilus, elle a lancé New Gen Basketball, un organisme qui offre du basket libre et de l’encadrement académique aux jeunes de la Rive-Nord. Mais ce n’est qu’un début. Son prochain grand projet : un centre sportif complet, pensé pour combler le vide criant d’infrastructures dans la région.

« On est vraiment en mode de construire un complexe sportif. On a plein de partenaires en ce moment. On a une firme d’architectes qui travaille sur le projet depuis quelques mois déjà. »
Le terrain est trouvé, les plans sont lancés, mais il reste à boucler le financement. « Présentement, on cherche du financement pour nous aider à l’avancement du projet. »
Les villes ne sont pas restées indifférentes. « La Ville de Sainte-Thérèse nous appuie, la Ville de Bois-des-Filion aussi. Elles nous ont même approchés pour qu’on prenne en charge leur basket libre. Et on a commencé à parler du projet avec Blainville, Mirabel, Sainte-Eustache… il y a beaucoup d’intérêt. »

Audrey Méthot entraîne une équipe de basketball, c’est vrai. Mais elle fait bien plus que ça. Elle incarne une nouvelle génération de leaders : rigoureuse, engagée, humaine. Une femme qui transforme chaque ligne de touche en ligne de vie. Une coach qui ne se contente pas de gagner des matchs, mais qui construit des ponts.