L’affaire Stablex dure depuis des mois. L’entreprise d’enfouissement de matières dangereuses a réclamé un terrain dans la Grande Tourbière, un milieu naturel à haute valeur écologique appartenant à la Ville de Blainville, afin d’y aménager une nouvelle cellule. Appuyée par de nombreux Blainvillois, l’administration Poulin, appuyée par de nombreux Blainvillois, s’y opposait fermement.
Stablex, filiale canadienne d’une entreprise américaine nommée Republic Services, a maintes fois menacé la Ville et le gouvernement du Québec d’un bris de services dès 2027, si elle ne pouvait disposer d’une nouvelle cellule pour y enfouir les déchets de matières résiduelles qu’elle reçoit de tout le Canada ainsi que des États-Unis.
Québec s’est montré sensible aux menaces répétées depuis un an par Stablex et a donc imposé une loi forçant Blainville à lui vendre le terrain convoité en vue de le louer à Stablex.
C’était sans compter sur la détermination des instances municipales à ne pas laisser passer pareille décision leur passer sous le nez sans rien faire. Il y aura donc un recours judiciaire.
Une décision contestée
« Rien ne peut justifier la décision de Québec d’aller de l’avant avec cette loi qui va à l’encontre de la volonté de la population et de notre administration et qui risque de mener à la destruction de la Grande Tourbière de Blainville, un milieu naturel d’une qualité exceptionnelle que nous nous sommes engagés à protéger. Nous aurions souhaité éviter un processus judiciaire, mais face au rejet de la solution conjointe présentée par la CMM et la Ville de Blainville et à l’adoption sous bâillon de la loi, nous n’avons d’autre choix que d’aller de l’avant. Nous sommes déterminés à défendre les droits et le bien-être de notre population ainsi que l’autonomie de notre Ville », affirme la mairesse de Blainville, Liza Poulin.
« Le règlement de contrôle intérimaire de la CMM, approuvé et mis en vigueur par le gouvernement du Québec, vise à protéger des milieux naturels d’exception comme la tourbière de Blainville. Devant une loi adoptée sous bâillon, qui crée une immunité sans précédent et menace directement cette protection, la CMM et la Ville de Blainville n’ont d’autre choix que de recourir aux tribunaux. Il est essentiel d’obtenir un sursis immédiat pour préserver ce milieu naturel et permettre à la cour de se prononcer sur la légalité de cette loi », soutient le directeur général de la CMM, Massimo Iezzoni.
Demande de sursis
La première étape de la démarche judiciaire entreprise conjointement par la CMM et la Ville de Blainville vise donc l’obtention d’un sursis afin d’empêcher la destruction, par Stablex, d’une partie de la tourbière de Blainville, qui est protégée par le règlement de contrôle intérimaire (RCI) 2022-96, approuvé par le gouvernement du Québec et toujours en vigueur.
La CMM et la Ville de Blainville demanderont ensuite à la cour de se prononcer sur la légalité de la loi controversée et adoptée au terme d’une procédure d’exception par le gouvernement du Québec, malgré l’opposition de nombreux citoyens et d’élus municipaux et provinciaux.
« La Ville de Blainville et la CMM plaideront que l’article 11 de la loi crée une immunité complète et sans précédent, qui permettrait à Stablex d’agir à sa guise jusqu’au 15 avril, date du début de la période de nidification des oiseaux migrateurs et de l’entrée en vigueur de règlements, notamment fédéraux, visant à les protéger. Craignant que les travaux de destruction des milieux naturels ne soient déjà terminés le 15 avril, la CMM et Blainville font valoir l’urgence de la situation et demandent à la cour de suspendre immédiatement l’application de cet article et d’empêcher l’émission de toute autorisation en vertu de la Loi concernant notamment le transfert de propriété d’un immeuble de la Ville de Blainville », indique la CMM, par voie de communiqué.
« La CMM et la Ville de Blainville réclament également la suspension de l’article 7 de la loi, qui rend inapplicables toutes les règles des instances municipales en matière d’urbanisme, d’aménagement et d’utilisation du sol, dont le RCI adopté par la CMM en avril 2022. Or, ce règlement a été approuvé par la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation le 16 juin 2022, parce qu’il a été jugé conforme aux orientations gouvernementales en matière d’aménagement du territoire. Le RCI permet à la CMM de protéger les milieux terrestres et humides d’intérêt métropolitain et doit être respecté », plaide la CMM.
Pas de compromis
Pas plus tard que la semaine dernière, la Ville de Blainville et la CMM avaient proposé au gouvernement Legault de modifier le RCI en retirant 7,2 hectares de milieux humides protégés par son règlement de contrôle intérimaire 2022-96 (RCI) situés sur le site de la cellule no 6 initialement projetée, afin que l’entreprise puisse y poursuivre ses opérations durant 24 ans. Ce compromis a été rejeté par Québec.
« La décision du gouvernement du Québec d’adopter, à toute vapeur, le projet de loi 93, qui bafoue l’autonomie des municipalités et entraînerait la destruction de milieux naturels de grande qualité, est inacceptable. La CMM et la Ville de Blainville ont fait leur devoir et ont proposé une solution qui répondait en tous points aux objectifs de la loi et à l’urgence évoquée par Stablex. Québec avait le pouvoir d’imposer cette solution et de nous donner le temps d’évaluer les besoins réels du Québec en termes de gestion des matières dangereuses résiduelles, mais a préféré prendre le parti d’une entreprise privée », souligne pour sa part le président de la commission de l’environnement et de la transition écologique de la CMM et membre du conseil de la Ville de Laval, Alexandre Warnet.
MOTS-CLÉS
Blainville
CMM
Stablex
Projet de loi 93