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Célébration de la vie de Joleil, 30 ans après sa disparition

Photo Reine Côté – Mélanie, la demi-sœur de Joleil, a fait tatouer le visage de celle-ci sur son bras gauche pour ne jamais l’oublier.

Célébration de la vie de Joleil, 30 ans après sa disparition

Publié le 20/06/2025

Personne n’a oublié le nom de Joleil Campeau, qui a été retrouvée morte, assassinée, à l’âge de neuf ans, laissant sa famille chagrinée par son absence à jamais.

Pour souligner le 30e anniversaire de sa disparition, parents et amis ont célébré sa vie avec émotions et sensibilité dans le cadre d’une commémoration, dimanche dernier, à Bois-des-Filion.

Qui ne se souvient pas de la disparition de Joleil Campeau, cette petite lavalloise de neuf ans, qui a été brutalement agressée puis assassinée le 12 juin 1995, alors qu’elle se rendait retrouver une amie, au retour de l’école ?

Pour souligner de 30e anniversaire, sa mère Donna Sénécal a eu l’idée de réunir autour d’elle parents et amis à l’occasion d’une petite cérémonie toute simple à l’église Saint-Maurice, dans son patelin, là où elle a passé son enfance et son adolescence.

La rencontre a donné lieu à quelques retrouvailles ainsi qu’à la présence de l’ancien sénateur et membre fondateur de l’association des familles de personnes assassinées ou disparues, Pierre-Hugues Boisvenu, qui était sans doute le mieux placé pour comprendre ce besoin qu’éprouvait cette mère de souligner la vie de sa fille disparue trop tôt et de lui signifier qu’elle ne serait jamais oubliée. 

Rappelons que M. Boisvenu, également éprouvé par l’assassinat de sa fille Julie, a été l’un des fondateurs de l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues, l’organisme ayant soutenu Mme Sénécal dans la préparation de cette rencontre hommage, qui s’est déroulée sous forme de partage.

Ce qu’a laissé Joleil

Photo Reine Côté
Pierre-Hugues Boisvenu s’est présenté pour prendre part au partage proposé par Donna Sénécal et l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues dont il a été un membre fondateur et qui était représenté par l’actuelle directrice générale, Annie Samson.

Chacun des invités étaient conviés à livrer un court témoignage sur ce que Joleil a signifié dans leur vie, ou sur le cheminement de Donna Sénécal qu’ils ont eu l’opportunité de côtoyer après son drame personnel. Celle-ci a longuement raconté son vécu en 2015 dans un bouquin intitulé : Soleil, 9 ans pour toujours.

Parmi les membres de la famille Campeau, s’y étaient déplacés Mélanie, la demi-sœur de Joleil, à l’effigie du visage de son aînée tatoué sur son bras gauche qui tenait lieu de témoignage, et sa tante Diane.

« Cette rencontre-ci était précieuse pour moi, car elle n’avait jamais eu lieu », a commenté Mélanie, qui était venue avec ses deux fils, qui connaissent l’histoire de leur tante Joleil pour en avoir tant entendu parler dans leur famille.

« C’était l’occasion de célébrer la lumière de chaque être humain et celle de Joleil et dans ce qu’elle a laissé. On est réunis ici car ces êtres de lumières nous habitent encore », a commenté Mme Sénécal, qui ne croyait pas si bien dire.

C’est que dans la famille Campeau, la mémoire de Joleil reste encore bien vivante. « À chaque réunion de famille, on parle de Joleil. Sa photo est toujours là », a indiqué sa tante Diane Campeau, qui a souligné à quel point sa nièce s’exprimait différemment des autres enfants, avec vivacité et répartie, n’avait peur de rien. Une surdouée, croit-elle.

Les larmes aux yeux, celle-ci a d’ailleurs rappelé un commentaire presque prémonitoire de sa nièce alors qu’elle craignait de perdre le bébé qu’elle attendait. « Joleil est arrivée près de moi, m’a touché le ventre et m’a dit : « T’inquiète pas, il va être correct ton bébé ». (L’enfant est bien né) Joleil, c’est l’ange de ma vie. »

Malgré son jeune âge, Joleil a marqué plus d’une personne sur son passage. Comme son éducatrice, qui avait confié à Diane Campeau : « Quand tu rencontres Joleil, tu ne l’oublie jamais ».

Photo Reine Côté

Au-delà de la mort

Ce qui résume le mieux cet hommage à la vie de Joleil est sans doute cette phrase prononcée par l’amie Thérèse, de Saint-Eustache : « Quand quelqu’un quitte son corps, il devient plus vivant qu’avant ».

« Elle nous a amené ailleurs», a précisé Donna Sénécal, parlant un peu pour elle. Dans la période qui a suivi la disparition de sa fille, il s’en est fallu de peu pour qu’elle ne se laisse glisser vers le fond, avant de se reprendre pour s’élever au-delà de cela.

Pour ceux qui la connaissent, Donna Sénécal représente un exemple de résilience comme il s’en fait peu. Ému jusqu’aux larmes en se remémorant son parcours, son amoureux Yvan lui a d’ailleurs lu un poème qu’il a écrit à son intention pour lui rendre hommage.

Temps et résilience

C’est que l’après disparition a été un long cheminement pour Donna Sénécal. Il aura fallu près de 20 ans avant que l’on ne mette la main sur l’assassin de sa fille. Un long deuil, qui laisse son empreinte. De longues années à cacher ce drame à ses employeurs, à ses collègues dans le réseau des garderies où elle travaillera par l’entremise d’une agence. « Je ne restais jamais à la même place longtemps car je ne voulais pas qu’on sache qui j’étais. C’était parfait comme ça », confiait Mme Sénécal, en entrevue, quelques minutes avant l’événement de partage.

L’un des moments qu’il lui a été le plus difficile à vivre, restera certainement le long procès d’Éric Daudelin, déclaré coupable grâce à son ADN sur la dépouille de la jeune victime. Quatre ans d’attente et de reviviscences du drame. Et d’une longue suite d’entretiens d’embauche où elle se voyait forcée d’expliquer à l’employeur sa situation de maman d’une enfant assassinée et du procès en cours.

« C’était très exigeant de rester debout », admet-elle. Bien que la condamnation de l’assassin de sa fille l’ait effectivement soulagée, bouclant ainsi la boucle, cela ne l’empêche pas de penser la maltraitance subie durant l’enfance par le meurtrier devrait aussi être connue, puisqu’elle est à l’origine de son parcours. Un drame qui en attire un autre, comme des fils attachés les uns aux autres.

Et Donna Sénécal croit en une justice de réparation, ce concept offrant des espaces de dialogue et d’échange permettant aux individus impliqués de s’exprimer, de comprendre les conséquences de leurs actes et de trouver des solutions pour réparer les torts.

Quoi qu’il en soit, Donna Sénécal a vécu neuf ans de bonheur avec Joleil. « J’ai jouï de la maternité neuf ans. Il n’y a personne qui va toucher à cela, aux neuf ans de sa vie. Merci Joleil pour ta présence lumineuse dans nos cœurs aimés », a lancé Donna Sénécal, offrant par ces paroles la preuve de sa remarquable résilience.