Un an après le retrait de la réprimande gouvernementale et des extraits du rapport du commissaire ad hoc Jacques Saint-Laurent le blâmant fautivement, Claude Surprenant s’attendait à ce que le processus de réparation se manifeste par des gestes concrets, notamment par des excuses publiques, qu’il attend toujours.
L’ex-député caquiste dit s’être entretenu avec le whip en chef Mario Laframboise qui lui avait confirmé prendre en main la suite de l’affaire. En plus des excuses, M. Surprenant souhaitait que le gouvernement Legault mette des mesures en place afin d’éviter ultérieurement d’autres cas d’injustice comme le sien, à commencer par la vérification obligatoire des antécédents de tout candidat en processus d’embauche pour un élu.
Rappel des faits
On se souviendra que Claude Surprenant a été victime de fraude financière et d’allégations mensongères de mauvaise gestion des fonds publics de son bureau de circonscription de la part de son ex-attachée politique, Julie Nadeau, qu’il avait congédiée à la fin de 2016 lorsqu’il a découvert un trou de 9000 $ dans le budget que celle-ci gérait.
On connaît la suite. Les accusations de fraude sont retombées sur le député, qui a été exclu du caucus caquiste. Depuis ce jour, M. Surprenant a toujours clamé son innocence, incitant le commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale, Jacques Saint-Laurent, à vérifier les faits, sur la base d’éléments documentés. Le commissaire s’en est plutôt tenu à la version de Mme Nadeau, allant jusqu’à imposer des sanctions contre l’élu de Groulx, siégeant alors comme député indépendant.
« Ma vie s’est arrêtée en janvier 2017. J’allais devoir gérer et combattre des perceptions et passer mon temps à tenter de remettre de l’ordre dans les esprits et en mener plus large pour compenser, au détriment de ma vie familiale », se rappelle Claude Surprenant.
Des années de combat
Il faudra plusieurs années pour que la vérité sorte enfin. C’est l’enquête du Tribunal administratif du travail qui fera la lumière sur Julie Nadeau, qui contestait son congédiement. Elle avait menti sur tout : faux baccalauréat en droit, fausse avocate, une série de mensonges créés de toutes pièces de la part de celle qui n’avait pas hésité à se servir dans la caisse de circonscription. Julie Nadeau recevra en 2023 une peine de prison de 15 mois avec sursis pour parjure et usage de faux.
Or durant tout ce temps, l’ex-député a continué de se défendre contre une réputation entachée « de façon irrémédiable », mentionne-t-on dans l’acte de poursuite. Le prix a été élevé, aussi bien financièrement que sur le plan professionnel, et jusque dans sa vie personnelle.

À l’automne 2023, Claude Surprenant a lancé un livre dans lequel il donne sa version des faits entourant les accusations ayant été faussement portées contre lui.
Lourd de conséquences
Le principal intéressé assure que les impacts sont incommensurables. Le public s’est mis à la percevoir comme un individu malhonnête et négligent, sa crédibilité professionnelle démolie l’a empêché de trouver un emploi décent et tout ce fardeau a entraîné de sérieux problèmes relationnels avec les membres de sa famille immédiate.
« L’effet miroir de Julie Nadeau a très bien fonctionné pour atteindre ma réputation puisque mon parti y a cru et m’a poussé à la porte. J’ai donc dû passer la majorité de mon mandat de député indépendant ostracisé. Isolé, je me sentais comme porteur d’un virus dont il ne fallait pas s’approcher, tout un chacun voulant paraître plus blanc que blanc en m’évitant. Sauf exception, on ne me parlait plus je n’existais plus pour les autres, moi qui suis reconnu comme un rassembleur parlant à tout le monde ».
M. Surprenant se souvient également de s’être fait invectiver ici et là par ses concitoyens, tentant parfois de leur donner la preuve de son innocence. « Mais on comprend que la tâche de prendre tout ce temps avec chacun des 57 000 électeurs m’était impossible. J’allais donc rester pris dans les mailles du système avec la frustration qu’on m’arrachait ma vie. »
Des liens brisés
Sa vie personnelle n’a pas été épargnée. Les questionnements de membres de sa famille sur les allégations à son endroit, leurs commentaires le victimisant, le regard de ses proches ressentant sa douleur, l’ont placé dans un état d’impuissance intolérable, de sorte qu’il a préféré se distancer d’eux « pour que mon âme puisse survivre », dit-il.
S’en est suivi une séparation d’avec sa conjointe ayant partagé sa vie durant 30 ans et de fréquentes annulations de rencontre avec ses enfants. « Je voulais surtout qu’ils aient le souvenir d’un père résilient, d’un battant, et non d’un père qui subissait et souffrait de l’injustice. J’ai perdu ainsi de nombreuses années de relations avec mes fils. Déchirant, mais c’était mon instinct de survie qui me dictait ça, confie-t-il. À ce jour, je suis encore en mode réparation auprès de mes enfants et petits-enfants et je vacille à recréer ce solide noyau familial que nous avions. »
L’ancien député a aussi perdu sa maison dans la foulée et a dû apprendre à gérer ses émotions, à sortir de son isolement, à vaincre son anxiété.
Épuisé par son long parcours du combattant, il tente aujourd’hui de se remettre en selle en se lançant dans une activité manufacturière, alors qu’il se spécialisait jadis dans les relations publiques.
Claude Surprenant n’en démord pas : « Le commissaire à l’éthique et l’Assemblée nationale ont commis des manquements graves en opposition aux valeurs de bienveillance et de recherche de vérité qu’elles promeuvent », insiste-t-il, ajoutant qu’il est plus que temps que ces institutions s’activent, posent des gestes concrets et qu’on lui offre un dédommagement financier.
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