Après des mois de controverse, Stablex a accepté d’ouvrir ses portes au Nord Info. Pour son directeur général, Michel Perron, il devenait impératif de faire la lumière sur les procédés utilisés avant l’enfouissement des déchets dans le sol de Blainville et faire taire ce qu’il qualifie de « désinformation pure » à l’égard de l’entreprise.
Même son de cloche au ministère de l’Environnement : tout est conforme. L’entreprise « respecte les plus hauts standards en matière de gestion des matières dangereuses ». Le dernier rapport d’analyse, daté de 2024, confirme que toutes les normes environnementales en vigueur sont respectées, explique le gouvernement par voie de communiqué.
Stablex, qui opère depuis 40 ans à Blainville, traite chaque année plus de 200 000 tonnes de résidus.
Poubelle de l’Amérique?
Michel Perron veut corriger les chiffres. Contrairement aux affirmations véhiculées sur plusieurs tribunes, les déchets américains n’ont compté que pour 17 % du tonnage traité en 2024 – et non 46 %, dit-il. Ce ratio, selon lui, est bien en deçà du plafond réglementaire de 50 %, jamais atteint en dix ans.
« Il faut arrêter de dire qu’on est la poubelle des États-Unis. Au prix chargé, ce sont les entreprises américaines qui subventionnent les entreprises québécoises », tranche-t-il.
M. Perron ne tergiverse pas. Sans les importations américaines, l’entreprise ne serait pas rentable. La surcharge réservée à nos voisins du Sud fait en sorte que, même dans un ratio de 17%, le traitement de ces matières génère environ la moitié du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise.

La salle où chaque recette est contrôlée en temps réel et chaque action répertoriée à des fins de contrôle.
Traitement sous haute surveillance
Stablex affirme être la seule entreprise en Amérique du Nord à traiter 100 % de ses matières toxiques avant l’enfouissement. Contrairement à d’autres pratiques, notamment celles associées au procédé Sealo-Safe interdit en Grande-Bretagne qui a été comparé à tort au procédé de l’entreprise blainvilloise selon M. Perron. « Ce n’était pas une de nos entreprises. Ils mettaient des matières dangereuses avec du béton, puis ils enfouissaient ça. Il n’y avait pas de traitement. »
À Blainville, chaque camion est identifié à l’entrée, échantillonné pour s’assurer que toutes les matières peuvent être traitées, puis redirigé vers un traitement spécifique. Les étapes : neutralisation des acides, destruction des cyanures et précipitation des métaux lourds pour les stabiliser dans une matrice minérale comparable à du béton.
« Tout se fait à l’intérieur. Rien à l’air libre », insiste M. Perron.
Échantillonnage citoyen : « On pourrait boire l’eau, littéralement ».
Comment expliquer, alors, les analyses citoyennes publiées en 2023, révélant la présence de cadmium, de cuivre et d’arsenic dans des eaux de surface ?
Michel Perron ne conteste pas les résultats, mais leur interprétation. Certaines comparaisons auraient été faites selon les normes fédérales pour les milieux marins – inadaptées au contexte du site de Blainville. Un communiqué de la Ville de Blainville, publié en mars 2024 semble appuyer cette lecture.
La grande tourbière
L’entreprise se retrouve aujourd’hui encerclée par la ville qui s’est densifiée autour d’elle. La cellule 5, située à seulement 300 mètres des habitations, a généré plaintes et inconfort, notamment en raison des odeurs. Stablex affirme que pour ces raisons, il était impensable d’installer la cellule 6 à une distance similaire.
Mais pourquoi l’aménager près de la Grande Tourbière, un milieu humide d’intérêt écologique ? Michel Perron se défend : « On ne touche pas à la Grande Tourbière. C’est de la désinformation pure. »
Il affirme que la zone ciblée correspond plutôt à une ancienne entreprise ferroviaire, isolée du cœur de la tourbière, où on retrouve surtout des espèces envahissantes et qui en font un site à moindre valeur écologique.
À travers toutes ses explications, M. Perron se montre très convaincant, mais une question demeure : Comment expliquer les conclusions du BAPE?
« Le BAPE ne voulait pas se prononcer sur l’opportunité sociale du projet. Il ne voulait pas répondre à la question : est-ce qu’on doit continuer à enfouir des matières dangereuses au Québec? Nous, on a demandé une autorisation environnementale pour la Cellule 6, en disant : voici notre procédé, voici où on est rendus. Eux, ils ont traité ça comme si c’était une modification de zonage. Ce n’est pas la même chose », affirme le directeur général.

Michel Perron explique chaque étape du procédé, de la réception des matières à leur enfouis-sement, en passant par leur neutralisation.
Loi 93 et climat de méfiance
L’adoption sous bâillon de la Loi 93, a braqué l’ensemble du monde municipal contre le gouvernement et l’entreprise de Blainville. À ce chapitre, M. Perron reconnaît avoir bénéficié d’un passe-droit, mais il persiste et signe que l’alternative aurait pu entrainer une grave crise environnementale selon lui.
« Si ce n’est pas nous, qui va traiter les matières dangereuses au Québec ? » – Michel Perron
En attendant les élections
Que ce soit chez Stablex, au ministère de l’Environnement ou encore chez certains clients de l’entreprise que nous avons contactés, la confiance dans le procédé de l’entreprise est imperturbable.
Michel Perron reconnaît qu’il n’existe pas de risque zéro, mais que le risque disparait une fois les matières traitées :
« On les stabilise. Ce ne sont plus des matières dangereuses [à l’enfouissement]. On les stabilise pour être sûrs qu’elles ne bougent pas dans le temps. Et on les met dans les cellules de placement sur haute sécurité pour s’assurer qu’elles sont à l’abri de toutes les intempéries et des potentiels impacts. »
Citoyen corporatif impliqué dans sa communauté, Stablex sait qu’il lui faudra rebâtir les ponts. Et pour le faire, elle entend miser sur la transparence. Lors de notre passage : bureaux ouverts, documentation sur le tonnage, cartographie, laboratoire, usine, cellules d’enfouissement — rien n’était hors limite.
Difficile de dire si la bataille est terminée ou si elle ne fait que commencer. Mais à l’approche des élections, l’entreprise préfère se faire discrète, parfaitement consciente que la prochaine campagne municipale pourrait bien se jouer sur leur terrain.
En collaboration avec Reine Côté, journaliste
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